11 novembre 1918 : le drapeau rouge flotte sur Strasbourg
Il est un autre épisode de la Grande Guerre, au moins aussi méconnu que celui des 380.000 Alsaciens-Mosellans obligés de revêtir la tenue feldgrau, c’est celui de l’éphémère « République des soviets » qui avait pris le pouvoir en novembre 1918 en Alsace-Lorraine. Le drapeau rouge a même flotté quelques jours sur la cathédrale de Strasbourg où le Président Macron et son homologue allemand viendront, le 4 novembre, ouvrir le calendrier des commémorations du centenaire de 14-18. « Plutôt Français que rouges », l’Alsace l’avait échappé belle…
En cet automne 1918, l’Allemagne impériale a perdu la guerre, mais quelques généraux ultras, dont Ludendorff, veulent encore y croire et tenter un baroud d’honneur en engageant la Kriegsmarine. À Kiel, sur la Baltique, fin octobre-début novembre, les marins se mutinent, se constituent en soviets et fraternisent avec les syndicats ouvriers. C’est Potemkine à l’échelle d’un pays : des soviets, conseils d’ouvriers et de soldats, contrôlent non seulement Kiel mais aussi Lübeck, Brunsbüttel, Hambourg, Brême, Cuxhaven et Munich. Le Reich allemand s’effondre : l’empereur Guillaume II abdique et se réfugie aux Pays-Bas avec sa famille. Le 9 novembre, le socialiste Scheidemann proclame la République. Deux jours plus tard, il demandera l’armistice aux alliés.
Parmi les milliers d’Alsaciens et de Lorrains incorporés dans la Kriegsmarine, nombre d’entre eux participèrent à ces mutineries avant de prendre le chemin du retour avec, pour mot d’ordre, la fin de la guerre et la proclamation de la République. À Strasbourg, Colmar, Mulhouse, les marins alsaciens créèrent à leur tour des conseils de soldats et d’ouvriers, inspirés pour une part par les soviets russes. Le 10 novembre, à Strasbourg, sera proclamée la déchéance du pouvoir impérial au profit de la « République d’Alsace » dont la devise sera « Ni Allemands, ni Français, ni neutres » et, le jour de l’armistice, le 11 novembre 1918, le drapeau rouge flottera sur la cathédrale de Strasbourg.
Mais la révolution alsacienne sera de courte durée. « Plutôt Français que rouges », la peur au ventre, le maire social-démocrate de Strasbourg prend contact avec le quartier général des troupes françaises et leur demande de « hâter leur arrivée à Strasbourg, la domination des rouges menaçant de prendre une fin tragique ». L’aventure des soviets strasbourgeois prendra fin le 22 novembre 1918 avec l’entrée des troupes françaises à Strasbourg. Selon l’historien Jean Claude Richez, l’échec de la République soviétique alsacienne s’explique par le fait que « cette Révolution avait deux grands défauts dans l’esprit des Alsaciens. Tout d’abord, c’était une révolution et elle était allemande. Or, les Alsaciens n’aiment ni l’un ni l’autre ».
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