Républicain Lorrain jeudi 11 août 2022 Région
L’histoire tragique des 130 000 Alsaciens et Mosellans incorporés de force
Le mémorial de Schirmeck, en Alsace, rend hommage aux victimes. Photo RL
L’hommage du 27 août à Schirmeck sera l’occasion de rappeler la tragique histoire de ces Alsaciens et Mosellans. Après l’armistice du 22 juin 1942, les trois départements basculent en Allemagne. Mais les jeunes de 17 à 25 ans de ces territoires avaient déjà expérimenté le Reichsarbeitsdienst (RAD), service civil allemand introduit en Alsace-Moselle dès juin 1940 et rendu obligatoire sur ces territoires le 8 juin 1941. Envoyés pour six mois en Allemagne, dans des casernements quasi-militaires, vêtus d’un uniforme, ils y alternent activités sportives, heures de travail manuel, cours d’éducation politique et militaire et divers types de travaux. L’objectif est de les faire rentrer dans la Wehrmacht ou dans les Waffen SS.
Devant le peu de volontaires et parce que l’armée nécessite des bras du fait de l’engagement des forces sur le front de l’Est, l’incorporation de force est instituée par décret à compter du mois d’août 1942. Les jeunes Alsaciens et Mosellans doivent se présenter devant les conseils de révision pour passer un examen médical et prêter serment au Führer. Les conséquences sont lourdes pour ceux qui essayent d’y échapper ou pour leurs familles. Le 1er octobre 1943, une ordonnance stipule que ces derniers encourent la déportation en Pologne ou en Silésie s’ils ne dénoncent pas leurs enfants ou ne les obligent pas à se rendre devant le conseil de révision.
40 000 morts
Au total, 100 000 Alsaciens et 30 000 Mosellans sont ainsi incorporés dans la Wehrmacht ou les Waffen SS. Envoyés en très grande majorité sur le front de l’Est, ils ne peuvent déserter. Leur repli sera amorcé en 1944, face aux défaites de l’Allemagne nazie. Beaucoup en profitent pour s’évader et rejoindre les armées alliées ou la Résistance. Jusqu’à la capitulation du 8 mai 1945.
Faits prisonniers par les troupes alliées et soviétiques, les autres subissent des conditions d’emprisonnement difficiles. La majorité est détenue par les armées alliées (américaines entre autres) qui les libèrent et les rapatrient progressivement. L’Union soviétique en retient cependant de très nombreux dans ses camps. Près de 14 000 sont notamment dans celui de Tambov, à 500 km de Moscou. Leur retour s’effectue petit à petit, suite à de nombreuses tractations politiques. Le dernier Malgré-Nous retrouve ainsi sa famille et son domicile en 1955. Sur les 130 000 Alsaciens-Mosellans incorporés de force, 90 000 ont donc été faits prisonniers et 40 000 sont morts ou ont été portés disparus entre 1942 et 1945. Le retour à une vie normale n’a pas été facile pour ces hommes, devant souvent justifier de leurs faits. Il a fallu attendre 2010 pour que le drame de l’incorporation de force soit officiellement reconnu.
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