LES ECHOS START

SYMBOLE

Marianne dans l’actu : décryptage en 5 questions

Par Clara Le Stum | 13/02/2019 à 20:31, mis à jour le 13/02/2019

Aujourd’hui, la future Marianne, incarnation symbolique de la République française, pourrait prendre le visage de Simone Veil. L’occasion de revenir sur l’histoire mouvementée de l’icône de la révolution française.

Fabienne Keller, sénatrice du Bas-Rhin,  a adressé une lettre ce mardi 12 février à Emmanuel Macron. Elle demande à ce que Marianne prenne le visage de Simone Veil. Cette demande est notamment une réaction aux tags antisémites et aux messages de haine qui ont recouvert le portrait de Simone Veil, peint sur différentes boîtes aux lettres de Paris, pour lui rendre hommage.

“Simone Veil fait partie du coeur et de la conscience collective de notre Nation. Elle incarne la France, son honneur, sa grandeur, son courage et sa dignité en toute situation et dans l’adversité (…) C’est pourquoi nous vous proposons de donner à Marianne les traits de Simone Veil”, a défendu la sénatrice, membre d’Agir, le nouveau parti de la “droite constructive”.

François Baroin, président de l’Association des Maires de France (AMF), a accueilli favorablement cette proposition. “C’est une excellente idée”, a-t-il déclaré aux journalistes de BFM, en indiquant qu’il comptait la soumettre aux Maires. Une décision qui relève de la libre appréciation de chacun des élus locaux. En attendant de voir si cette proposition convainc, nous nous sommes penchés sur les origines de Marianne et de ses multiples visages.

1- Mais, au fait, à quand remonte la naissance de Marianne ?

Marianne  est née en 1792 à  la proclamation de la Ière République, dans la foulée de la Révolution française. Contraction de Marie et Anne, deux prénoms très répandus dans les territoires populaires et souvent portés par les femmes domestiques, Marianne incarne la toute nouvelle République française et ses valeurs : “liberté, égalité, fraternité”.

Elle porte un bonnet phrygien rouge qui rappelle celui porté dans l’Antiquité par les esclaves nouvellement affranchis. Un bonnet qui ne fera pas l’unanimité dans l’histoire. 

2- L’a-t-on toujours vue dans les bâtiments publics ?

Rappelons d’abord que Marianne a été oubliée sous l’Empire et la Restauration avant de réapparaître éclatante et victorieuse dans le tableau de Delacroix, “La liberté guidant le peuple” en 1830 alors que la Révolution de Juillet est en cours. Il faudra attendre 20 ans pour la voir faire sa réapparition mais sur des timbres poste, représentée par Cérès, déesse romaine des moissons, et sans bonnet phrygien.

C’est seulement en 1870, lors de l’instauration de la IIIe République qu’elle intègre les mairies, les écoles, les bâtiments publics, en remplacement de l’effigie de Napoléon III. Mais toujours sans bonnet. Le président Adolphe Thiers interdira la représentation du bonnet révolutionnaire jusqu’en 1879.

3- Marianne a-t-elle un portrait “officiel” ?

Non, depuis la fin du 19e siècle, plusieurs modèles circulent. Deux types de Marianne coexistent : un buste républicain “révolutionnaire”, dénudé, avec le bonnet phrygien, et une Marianne “sage” avec un diadème ou une couronne de feuilles de chaînes, de rameaux d’olivier ou d’épis de blé.

Encore aujourd’hui, il n’existe aucun modèle officiel de Marianne. Aucun texte législatif ou réglementaire n’impose de modèle spécifique, ni même oblige les maires à les placer dans leur mairie. Cette liberté offerte aux sculpteurs explique la diversité des bustes de Marianne.

4- A partir de quel moment Marianne est-elle représentée par des célébrités ?

Toujours sculptée à partir de portrait des femmes anonymes ayant accepté de prendre la pause, c’est en 1969 que la starification de Marianne commence. Alain Aslan décide de sculpter Brigitte Bardot. Le maire d’un village d’Eure-et-Loire, un ami du sculpteur, décide de l’introduire dans sa mairie. Le modèle va se développer et deviendra le nouveau visage de Marianne.

Viendront ensuite au gré des propositions des artistes, Mireille Mathieu, Catherine Deneuve et Ines de la Fressange. Pour passer l’an 2000, l’Association des maires (AMF) prend l’initiative de choisir sa Marianne sous les traits de la mannequin Laetitia Casta. Trois ans plus tard, c’est le comité de la Marianne d’Or, une entité privée, qui désigne Evelyne Thomas, animatrice TV, comme modèle pour quatre ans. Des choix qui créent souvent polémique.

5- Proposition Simone Veil : pourquoi en référer à Emmanuel Macron ?

Fabienne Keller a interpellé Emmanuel Macron par courrier pour que Simone Veil “incarne la France et la République”. Pourquoi s’en remettre au Président de la République ?

Comme le veut la tradition, au début de son mandat, le président peut demander l’élaboration d’un nouveau dessin pour les timbres poste. A partir d’un concours d’artistes, et grâce aux avis des pupilles de la nation, le chef de l’Etat a choisi l’été dernier un portrait dessiné par l’artiste Yseult Digan. C’est “Marianne l’engagée”, un visage anonyme, “à la fois contemporaine et intemporelle”. Un portrait-robot qui correspond bien à Simone Veil, entrée au Panthéon en juillet 2018, “un visage rassembleur et un symbole riche de sens pour réunir les Français”, pour reprendre les mots de Fabienne Keller.

PAR CLARA LE STUM

 

Aller au contenu principal