Mise à jour : 01/02/2018 – Auteur : Thomas Casaux – Direction : DICOD
À l’aube de 1918, jamais l’issue du conflit débuté en 1914 n’a semblé aussi éloignée. À l’occasion du centenaire de la fin de la Grande Guerre, la rédaction a choisi de revenir chaque mois sur la dernière année de cette guerre qui marque « la fin d’un monde et le début d’un siècle ».
« Nous tiendrons, nous tiendrons ». Cette formule prononcée par un Georges Clemenceau déterminé durant le comité de guerre du 13 décembre 1917 résume l’état d’esprit dans lequel se trouvent la France et ses alliés alors que le monde va entrer dans la quatrième année d’une guerre débutée à l’été 1914. La situation militaire de l’Entente est moins favorable qu’elle ne l’était début 1917 alors que les Empires centraux se préparent à jouer leur va-tout pour arracher la victoire.
Les capacités offensives de l’armée française sont affaiblies après la bataille du Chemin des Dames (avril-octobre 1917). Le général Nivelle, à la tête de l’offensive, clamait pourtant que « nous romprons le front allemand quand nous voudrons ». Cet échec sanglant a coûté la vie à 350 000 soldats français et allemands et déclenché des mutineries. Dans les Flandres belges, l’allié britannique compte ses morts après la bataille de Passchendaele (juillet-novembre 1917) qui, pour le Premier ministre anglais Lloyd George, « sera pour toujours au premier rang des batailles les plus gigantesques, les plus sanglantes et les plus inutiles de l’histoire ». Les Britanniques n’ont avancé que de 8 kilomètres dans les champs des Flandres, où reposent désormais plus de 400 000 soldats des deux camps. De leur côté, les Italiens pansent leurs plaies à la suite du désastre de Caporetto (24 octobre-9 novembre 1917) qui a failli les conduire à la capitulation. La France et la Grande-Bretagne ont envoyé plusieurs divisions en catastrophe pour aider les Italiens à rétablir la situation et ont créé le Conseil suprême de guerre dans la foulée, pour « assurer une meilleure coordination de l’action militaire sur le front occidental de l’Europe », indique l’article 1 des statuts de la nouvelle entité.
A l’est, du nouveau
À l’autre bout de l’Europe, le gouvernement bolchevique, issu de la révolution russe d’octobre, a signé un armistice le 15 décembre 1917. La fin des combats sur le front de l’est va permettre aux Allemands de transférer des divisions sur le versant occidental. « Avant que l’Amérique rentre en jeu, l’Allemagne doit frapper », résume Ludendorff, général en chef des armées allemandes, qui veut emporter la décision sur ce front durant le printemps 1918 avant que les troupes américaines ne soient pleinement opérationnelles. Ce retrait impacte également le front d’Orient. Sans l’appui russe, la Roumanie s’écroule et doit capituler, mettant un peu plus la pression sur le corps expéditionnaire franco-anglais de Salonique.
Enfin sur les mers, les marines de l’Entente ont pris le dessus sur la flotte allemande, qui a mené pendant l’année 1917 une guerre sous-marine à outrance pour mettre à mal le ravitaillement et les communications entre les États-Unis et ses alliés. La lutte sous-marine a d’ailleurs précipité l’entrée en guerre des Américains, qui sont plus qu’attendus, leur contribution ayant été jusque-là marginale.
À l’arrière, les difficultés matérielles et les revers militaires ont des répercussions importantes sur le moral de la population, qui avait placé beaucoup d’espoir dans les offensives de 1917. De nombreux mouvements sociaux et des grèves ont secoué le front arrière des deux camps. L’entrée en guerre des États-Unis améliore néanmoins progressivement l’approvisionnement de l’Entente alors que les Empires centraux affrontent des émeutes de la faim, le blocus maritime qu’ils subissent entraînant de graves pénuries alimentaires et matérielles.
De chaque côté du no man’s land, les soldats sont épuisés et veulent la paix. Mais, paradoxalement, ils restent relativement déterminés. Le poilu français est prêt à une action sacrificielle pour repousser une offensive tandis que son adversaire allemand accepte de réaliser un dernier effort pour arracher la victoire lors d’une ultime percée. Les sacrifices consentis depuis le début de la guerre et les pertes sont tels que la paix n’apparaît possible que par une victoire militaire. Les tentatives de négociations, menées secrètement, ont d’ailleurs toutes échoué. L’idée d’une paix durable construite sur des principes directeurs, à l’image des quatorze points présentés par le président Wilson au Sénat américain le 8 janvier 1918, fait néanmoins son chemin. Mais on en est encore loin.
En 1918, le sang va encore couler
L’année 1918 s’ouvre donc sous le sceau de l’incertitude quant à l’issue de la guerre. Une chose est sûre, le sang va encore couler. De nombreux renseignements annoncent une offensive allemande d’une puissance inégalée : déplacements importants de troupes et d’artillerie, nouveaux types de gaz, utilisation massive de chars (alors que dans les faits l’Allemagne est dans l’incapacité d’en produire), entraînements intensifs… Qu’elles soient vraies ou fausses, ces informations annoncent un dénouement imminent. Dans un camp comme dans l’autre, tout le monde s’y prépare.
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