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En ce 76e anniversaire de l’incorporation de force des Alsaciens (25 août 1942) et des Mosellans (19 août 1942), on doit évoquer les massacres de la vallée de la Saulx (Lorraine) survenus le 29 août 1944.Et le rôle déterminant des incorporés de force.

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« L’affaire se passe à la limite départementale entre la Marne et la Meuse. En ce mois d’août 1944, les troupes allemandes remontent du sud-ouest et du sud de la France pour ne pas être prises en tenailles par les Alliés. La 3è Panzer-Grenadier Division (une unité de la Wehrmacht) rejoint la vallée de la Saulx, près de Bar-le-Duc. Le 29 août a lieu un accrochage entre une dizaine de résistants et la tête d’une colonne allemande, au lieu-dit la Belle-Epine, à 3 km de Robert-Espagne (Meuse).
Le capitaine Wehrmann décide des représailles ; il veut intimider les maquisards et s’éviter des embuscades car la zone est peuplée de maquis ayant bénéficié de parachutages d’armes. Ordre est donné de rafler dans les villages proches les hommes valides entre 15 et 60 ans. Les fusiller et brûler les maisons…
À Robert-Espagne, vers 11 h, en ce 29 août, des soldats bloquent les routes. Cinquante hommes de 17 à 59 ans sont conduits près de la gare. On les aligne devant deux mitrailleuses. Parmi les tireurs désignés se trouve Xavier Sonnenmoser. Cet incorporé de force alsacien de la classe 1922, originaire sans doute de Schweighouse-sur-Moder (Bas-Rhin), refuse de « tirer sur des Français » ; cela lui vaudra l’arrestation immédiate et une menace de passage devant un tribunal militaire (*).
Il est remplacé par un « Reichsdeutsche Soldat » (un Allemand d’origine). À 15 h, sur ordre, les mitrailleuses tirent. Les nazis forcent les femmes qui vivent près de la gare à défiler devant les cinquante corps… Puis à l’aide de phosphore, les Allemands incendient le bourg. Sur 300 maisons, 200 sont en cendres…
«Dites aux hommes de se sauver, sinon ils seront fusillés…»
Au village voisin de Berey-sur-Saulx, les Allemands s’installent vers 13h. Parmi eux, des incorporés de force avertissent la population de la nécessité de fuir. Jean Altemaire eut ce jour-là la peur de sa vie : vers 13h 30, comme agent de liaison du maquis, il sort de la forêt des Trois-Fontaines à vélo et fait une chute en croisant une sentinelle allemande. Le pistolet caché dans son panier de vélo tombe sous le nez de l’Allemand. Le maquisard croit sa dernière heure venue, mais le militaire écarte d’un coup de pied le pistolet et dit ceci : « Je suis Alsacien, incorporé de force ; dites aux hommes de se sauver, sinon ils seront fusillés… Vite, c’est urgent ! ». Jean Altemaire remonte sur son vélo et diffuse la consigne ; beaucoup d’hommes ont la vie sauve. Néanmoins, il y eut sept victimes, des personnes âgées ; 75 maisons (sur la centaine que totalisait le village) partent en fumée.
À Couvonges, commune d’à peine 150 habitants, les arrestations ont lieu l’après-midi ; 20 hommes seront fusillés. Sur 60 maisons, six seulement échappent aux flammes.
À Mognéville, les arrestations débutent dès 10h30 du matin. Le notaire de Revigny, Me Rouy, mosellan d’origine, parlant allemand, négocie auprès d’un jeune sous-lieutenant allemand avec l’appui d’un Alsacien, originaire sans doute de Strasbourg, Alfred Schaeffer, incorporé de force. Ils réussissent à limiter le drame, les hommes peuvent se sauver. Quelques maisons seulement sont incendiées. Malgré tout, trois personnes perdent la vie.
La journée du 29 août 1944 aura fait 86 morts parmi les civils de la vallée de la Saulx. Deux blessés décèderont les jours suivants. Plus de 330 maisons auront été détruites.
Quel rôle ont joué les incorporés de force ? Il est démontré qu’ils ont voulu sauver des vies. Jean-Pierre Harbulot, un historien qui a analysé ces événements, considère que le bilan aurait été beaucoup plus lourd « si des soldats allemands, le plus souvent alsaciens ou mosellans, n’avaient pas invité la population à fuir ou si des Français parlant allemand n’étaient pas intervenus en faveur de leurs compatriotes (**) ». Ils ont contribué à atténuer cette tragédie. Deux soldats allemands d’origine et au moins un Autrichien ont également contribué à saboter l’ordre reçu. Mais l’action des incorporés de force fut déterminante. Des précisions doivent encore être apportées à ces faits méconnus. Si des lecteurs peuvent aider à documenter l’intervention des incorporés de force en ce 29 août, ce serait précieux ».
(*) Selon une lettre de son fils, Francis Sonnenmoser, écrite en 1994, il échappa au tribunal militaire car le capitaine qui portait contre lui l’accusation de rébellion fut tué quelques jours plus tard.
(**) J.-P. Harbulot : « Les massacres du 29 août 1944 dans la vallée de la Saulx », in La vallée de la Saulx, Société des Lettres, Sciences et Arts de Bar-le-Duc (1999), pages 43 à 119.
 

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