CENTENAIRE DU RETOUR DE L’ALSACE/LORRAINE À LA France
Faire œuvre de vérité
La secrétaire d’État auprès de la ministre des Armées, Geneviève Darrieussecq, visitera ce vendredi l’Historial franco-allemand du Hartmannswillerkopf, dans le cadre du tourisme de mémoire mis en œuvre par la région Grand Est. L’occasion d’évoquer la mémoire de l’Alsace dans la Grande Guerre.
Le 04/10/2018 05:00 par Textes : Yolande BALDEWECK Vu 16 fois
Des portraits de soldats français et allemands exposés à l’Historial franco-allemand du Hartmannswillerkopf. Photo L’Alsace/Thierry Gachon
Cent ans après la fin de la Grande Guerre, la France acceptera-t-elle de considérer que l’Alsace et la Moselle ont eu une histoire différente jusqu’en 1918 ? Laurent Furst, député LR du Bas-Rhin, a relancé le débat en suggérant à la secrétaire d’État Geneviève Darrieussecq de faire lire un message spécifique à la mémoire des 50 000 Alsaciens-Lorrains morts sous l’uniforme de l’Empire allemand.
Marque de reconnaissance envers la petite patrie
Car le traité de Francfort, signé le 10 mai 1871, avait contraint la France à abandonner l’Alsace sauf Belfort, ainsi qu’une partie de la Moselle, de la Meurthe et des Vosges au nouvel Empire allemand proclamé par le roi de Prusse Guillaume 1erà Versailles. L’incorporation des Alsaciens et des Lorrains qui étaient restés dans le nouveau Reichsland découlait de ce cadre juridique qui n’a pas été contesté. À l’inverse de l’incorporation de force par les nazis après l’annexion de fait de l’Alsace et de la Moselle…
Auteur de l’ouvrage Les Alsaciens-Lorrains dans la Grande Guerre (La Nuée Bleue) publié il y a quatre ans, Jean-Noël Grandhomme, professeur d’histoire contemporaine à l’université de Lorraine, reconnaît que cette histoire particulière ne concerne que de loin le reste de la France. Cependant, « il serait utile qu’après le message officiel, quelques phrases soient consacrées au cas particulier de nos départements » , suggère-t-il, en observant que « cette marque de reconnaissance envers la petite patrie ne mettrait pas en cause l’unité nationale ».
Jean-Noël Grandhomme, qui avait écrit l’ouvrage avec son frère Francis, n’a « pas voulu idéaliser la période du Reichsland, mais retrouver un juste milieu ». Dans le dernier chapitre consacré au « temps de la mémoire » , les auteurs montrent que « la grande majorité des combattants alsaciens-lorrains qui n’ont pas participé en bleu horizon à cette tragédie collective se retrouvent en porte-à-faux avec l’expérience vécue par leurs nouveaux concitoyens ».
Ce sont « les héros purement français » qui sont mis en avant, même si le monument des morts de Strasbourg rappelle le double drame de l’Alsace-Lorraine. « Cette histoire n’est ni un sujet de honte, ni de fierté, il faut simplement faire œuvre de vérité et replacer les événements dans leur contexte » , plaide Jean-Noël Grandhomme.
« Il est important qu’on restitue l’histoire particulière à cette région. La grande majorité des Alsaciens n’étaient pas des Poilus. Lorsqu’ils sont revenus du front, ils sont été plutôt mal vus par les autorités françaises » , confirme le juriste strasbourgeois Jean-Marie Woehrling, président de Culture et bilinguisme. À l’entendre, « rien ne s’oppose à un tel geste » qui s’inscrirait dans la reconnaissance dont bénéficient d’autres catégories de Français, comme récemment les harkis.
Jean-Marie Woehrling note aussi que les militaires allemands se méfiaient des Alsaciens et Mosellans. « Le contexte était difficile. Il y a eu une vraie dictature militaire côté allemand, qui explique aussi l’enthousiasme de l’accueil des militaires français par les Alsaciens en 1918. »
« C’est un vrai faux problème » , tranche Jean Klinkert, président du comité du monument national du Hartmannswillerkopf, en défendant un point de vue différent. Pour le Colmarien, « c’est à la République fédérale d’Al lemagne de reconnaître officiellement que des militaires alsaciens avaient été incorporés dans l’armée allemande. Même si juridiquement, l’Alsace était allemande. »
Un exercice franco-allemand partagé
« L’Assemblée nationale repliée à Bordeaux avait validé le traité de Francfort. Victor Hugo a été un des rares à s’élever contre le rattachement de l’Alsace et de la Moselle au IIe Reich » , remarque encore Jean Klinkert qui trouverait normal que « le président Frank-Walter Steinmeier ait une parole pour ces soldats alsaciens ». « Ce serait un exercice franco-allemand partagé. Aujourd’hui, le grand public est prêt à une lecture partagée et bilingue comme le montre le succès du HWK » , assure son président, en se félicitant des 62 500 visites du site depuis le 3 août 2017
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