Emmanuel BITEL l’enfant, chenapan résistant ?
Ils sont 2 frères Emmanuel 13 ans et Edouard 11 ans vivant dans le village de Jugon (Côtes d’Armor), ils ont vécu dans un contexte marqué par la guerre 14/18 et ont acquis une méfiance vis-à-vis de ces allemands.
Comme tous les enfants ils passent leur temps à s’amuser ou à parcourir leur environnement. C’est ainsi qu’un jour de 1939, ils découvrent une affiche : « Avec votre ferraille nous forgerons l’acier victorieux ».
Après avoir saisi le sens de ce message, leur imagination aidant, ils vont entreprendre la construction d’une espèce de chariot, en utilisant une partie d’un véhicule Renault.

Emmanuel et Edouard et leur récupérateur.! au fond à gauche la future Kommandantur (photo du cousin Fernand Berruet , figure dans le livre)
C’est spartiate mais pratique, ils se déplacent avec leur « récupérateur », ramassent ce qu’ils trouvent ou quémandent par-ci, par-là. L’ensemble, expédié au demandeur, deviendra de l’armement.
Au printemps 1940, il quitte l’école et devient apprenti mécanicien chez son père garagiste, mais aussi armurier. Sa mère Simone est coiffeuse. Il est adroit et ingénieux, il progresse vite.
Juillet 1940 : une colonne allemande arrive au village, en-tête sont des motards qui s’arrêtent au garage familial pour se ravitailler en essence, avant le reste de la troupe.
Ils commencent à manœuvrer la pompe et constatent, non sans inquiétude, que rien ne sort des tuyaux. Evidemment, père et fils étaient descendus à la cave et avaient débranché les conduites reliant la cuve principale aux pompes manuelles.
Les « frangins » continuent leurs frasques ou farces, ils ne sont pas toujours conscients du danger. Ils avaient mis un vieil obus dans un virage, envoyant un véhicule allemand dans le fossé. Ils dérobent, dans une maison réquisitionnée par la Wehrmacht, des fusils qu’ils vont cacher sous l’estrade menant aux WC du jardin, ils en profitent pour saboter le poste émetteur de l’occupant.
Le père d’Emmanuel remonte un avion, sur un petit aérodrome de Dinan, pour que Maurice Halna du Fretay (1) , ami de la famille, puisse rejoindre le Général De Gaulle en Angleterre. Ce sera le 15 novembre 1940, atterrissage à Dorchester (entre Plymouth et Southampton).
En mai 1941, avec quelques camarades ils forment un groupe de résistants qui connait tous les recoins du village où il opère.
En 1942, Emmanuel est arrêté, probablement sur dénonciation, un fusil ayant été trouvé dans la maison familiale et il s’accuse du vol. On le menace d’exécution s’il ne parle pas. Il simule être un simple d’esprit, il est donc relâché. Ouf !
Evidemment le groupe continue à son niveau les actions à Jugon, (Jugon-les-Lacs actuellement) jusqu’à formation d’un nouveau groupe à Saint-Igneuc, près de son village, dépendant du réseau « Libé N ». Emmanuel trop jeune pour combattre sera le porte-messages entre les différents groupes de maquisards locaux.
Toujours très actif, il rejoint ensuite le groupe FTP qu’a créé Maurice Cocheril l’instituteur. Il y sera toujours messager.

Emmanuel en tenue de combattant
Edouard est moins impliqué car plus jeune, néanmoins bricoleur et doué il fabrique un poste à galène (2), indétectable (3) s’il en est. Puis un jour il capte un message de Londres, disant qu’il faut rassembler tous les groupes locaux de résistance en un seul afin d’obtenir meilleures efficacité et coordination. Le chef de ce réseau sera Maurice Cocheril, l’instituteur.
Sabotages, combats, parachutages feront que Jugon et le secteur seront libérés le matin du 6 août 1944. L’armée américaine arrivant dans l’après-midi.
Distinctions :
1971 : Médaille d’honneur, par René Pleven, lors de l‘inauguration de la stèle de la résistance à Jugon. Il hérite également du titre de porte-drapeau, qu’il assume toujours. Deux autres résistants Joseph Salou et Jean Touilion, des FFI, furent aussi décorés.

porte drapeau et ses médailles

Remise de la médaille d’honneur
31 janvier 2024 : peu avant ses 98 ans il est fait Chevalier de la Légion d’Honneur (4), décoré par le Général Philippe Renard à Saint-Brieuc à l’occasion du 80 ème anniversaire de la libération.
Emmanuel se rend parfois auprès des scolaires perpétuer le devoir de mémoire.
Un livre : « Du chenapan au combattant » paru en 1991. Offert à Mr Macron.
Notes :
1°) né le 8 mai 1920, il devient pilote dans la RAF sur un bombardier « Hurricane », mais hélas sera abattu au-dessus de Neuville-lès-Dieppe le 19 août 1942.
2°) un ancien semi-conducteur, tel le silicium actuel, mais à l’état brut, comme un petit caillou. Utilisé pendant la 1 ère guerre mondiale dans les tranchées pilonnées par les obus, palliant ainsi la destruction des câbles téléphoniques. Ne nécessite aucune alimentation électrique.
3°) la Wehrmacht utilisait la radiogoniométrie pour détecter les émetteurs et leur antenne. Véhicule avec un cercle tournant sur le toit.
4°) c’est sa fille Emmanuelle qui, en cachette, en a fait la demande. C’est la procédure et en plus il faut acheter la médaille ! !

Emmanuelle et Emmanuel
Sources : divers sites internet.
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