C’était il y a 80 ans et ce fut la toute première rafle des nazis et de la police de Vichy en France, quelques jours après la capitulation du maréchal Pétain.
Une histoire oubliée dont un fils et petit-fils de déportés honore aujourd’hui la mémoire.
Yannick Boucher | 31/07/2020
Les chefs de famille étaient des combattants britanniques de la Première Guerre mondiale qui ne sont pas retournés au pays et ont fondé des foyers avec des jeunes femmes du Nord et du Pas-de-Calais, ou du nord de la Somme. Mais quand Pétain signe l’armistice le 22 juin 1940, ils deviennent tous la première cible du régime nazi en France. Officiellement, le Royaume-Uni et les pays de son empire deviennent les seuls adversaires de l’Allemagne. De Gaulle n’a pas encore eu le temps d’organiser la résistance, l’URSS et les États-Unis entreront en guerre plus tard. Mais ces Anglais… Des « terroristes » qui cachent leurs soldats compatriotes partout éparpillés après le drame de la poche de Dunkerque, tous ceux qui n’avaient pas pu – ou voulu – traverser la Manche.
Chasse à l’Anglais
Mi-juillet, la chasse commence, elle fera l’objet de la toute première rafle de civils menée conjointement par la Gestapo et la police française – ce ne sera pas comme on le pense souvent celle des communistes en 1941 dans le bassin minier.
Dès juillet, puis en août, les préfets Carles pour le Nord et Rochard puis Bussière pour le Pas-de-Calais se voient intimer l’ordre de fournir la liste des soldats et civils britanniques résidant sur le territoire de leurs communes. Les préfets seront zélés, celui du Nord allant jusqu’à demander que l’on livre les jeunes de plus de 16 ans. Une poignée de maires réfractaires sont remis au pas et donneront les noms. West, Allen, Carter, Lockwood et tant d’autres. Avec leurs familles cueillies par les nazis parfois en pleine nuit, en pyjama et pantoufles. C’est juillet, il fait chaud, ils n’emmèneront que quelques vêtements légers dans les fourgons qui les transportent vers les prisons de la région. Les femmes et les enfants, les bébés, ne sont pas épargnés, internés comme les hommes. De la prison de Loos ou d’Arras, Boulogne, Béthune, Dunkerque etc. Conduits à la caserne Négrier à Lille ou à Avesnes-sur-Helpe, une prison de femmes.
Puis à Liège, à la forteresse de Huy, à l’Ilag de Tost ou de Kreuzburg, en Allemagne, ces camps d’internement où les Anglais étaient simplement parqués pour servir de monnaie d’échange aux Allemands comme dans le film La Grande Évasion. Ce sera enfin le camp de Giromagny près de Belfort et celui de Westertimke entre Brème et Hambourg, un camp libéré le 28 avril 1945 par le général Dempsey.
« La plupart sont revenus, la plupart resteront traumatisés à vie par ces cinq ans de déportation que nombre d’entre eux n’ont pas comprise », témoigne Frédéric Turner, devenu historien de la rafle en hommage à sa propre famille. Au total, plus de 3 000 personnes victimes de leur simple nationalité en temps de guerre, une cicatrice profonde qui ne s’est jamais vraiment refermée.
« Les Oubliés de 39-45 », par Frédéric Turner, éditions JAFT, Arras. 600 pages, 23 €, avec la liste des déportés et de nombreux témoignages. Sur demande : fr.turner@free.fr
Frédéric Turner, pour son père, son oncle, son grand-père
Qu’est-il arrivé à votre famille ?
« Mon grand-père Frederick fut blessé en 1916 à la bataille de la Somme, il est mort quand j’avais 17 ans. Il resta dans la région et deviendra vite résistant de la première heure aux nazis. Il eut une fille Inès et deux fils, Albert Turner mon oncle, et Frédéric, mon père. Tous raflés et emmenés à 3 h 30 du matin le 12 juillet dans la maison du boucher de Saint-Pierre-Brouck. Les hommes seront ensuite déportés dans les camps allemands ».
Au mois d’août, Mr Frédéric TURNER m’avait envoyé un reportage sur un « evènement majeur » qui s’était déroulé en juillet 1940!!
J’ai pensé que cela serait intéressant de diffuser ce document, dans la « Lettre d’information ».
Avant cela , j’ai demandé à Frédéric TURNER, l’autorisation de diffuser ces informations, et en toute amitié, il m’a donné son accord.
Valdemar Knopik
Président FNAPOG 62 Artois-Flandres
Pour rester sur le même sujet, Jon HENLEY, le directeur pour l’Europe continentale du journal britannique « The Guardian » mais qui est aussi diffusé dans le monde entier a publié un article en anglais et en français. Il est venu chez moi avec un photographe et pour voir cet article, différent de celui de La Voix du Nord » cliquez sur l’image ci-dessous.
Frédéric TURNER
Commentaires récents