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En 1917, en Savoie, le pire accident de train jamais survenu en France

Le 12 décembre, des voitures bourrées de permissionnaires déraillent dans la descente vers Saint-Michel-de-Maurienne, faisant au moins 425 morts. La catastrophe, en pleine Première Guerre mondiale, sera étouffée par la censure militaire.

Saint-Michel-de-Maurienne, le 12 décembre 1917. Deux jours plus tard, Le Figaro est l’un des rares titres à mentionner « le déraillement d’un train en Savoie ». 

La plus grande catastrophe de l’histoire du train en France s’est produite il y a plus d’un siècle, durant la Première Guerre mondiale. Le train s’ébranle le 12 décembre 1917 au soir, en gare de Modane (Savoie). Un cauchemar de plusieurs minutes avant le choc fatal, qui va coûter la vie à des centaines de passagers.

Les soldats entassés par centaines à bord du ML 3874 ne se doutent de rien. Ils sont juste heureux de regagner leurs pénates pour une permission. Un corps expéditionnaire franco-britannique de 120 000 hommes avait été déployé en octobre dans le nord-est de la Botte pour donner un coup de main aux alliés italiens, à la peine face aux troupes austro-hongroises. Un mois plus tard, leur mission est accomplie. Ils peuvent aller souffler quelques jours au pays.

Dans les voitures, c’est l’effroi, puis le silence

Environ 1200 permissionnaires ont embarqué la veille en gare de Bassano. Ce train composé de deux fourgons et dix-sept voitures s’étire sur 350m ! Turin, le tunnel du Mont-Cenis, Modane… L’immense convoi bondé de pioupious repart à 22h47 vers Chambéry. Après avoir passé Freney, le ML 3874, désormais en France, entame sa descente dans la Maurienne. Le train prend de la vitesse. Beaucoup trop. Il file à 150 km/h, sur une pente parfois à 30 %. Le mécanicien actionne le sifflet de la locomotive pour alerter les cheminots chargés des serre-freins manuels, mais ils sont incapables de stopper le « Transperceneige » qui glisse, emporté dans son élan.

La catastrophe, inévitable, se produit 15 km après Modane, juste avant l’arrivée à Saint-Michel-de-Maurienne. Dans les voitures, c’est l’effroi, puis le silence. Finir ainsi, c’est trop bête après avoir bravé les pluies d’obus et la mitraille. Certains préfèrent sauter sur le ballast, sans plus de chances de survivre. A 22h55, la première voiture déraille. Comme un torrent déchaîné, les suivantes débordent de leur « lit » et s’écrasent contre un mur de soutènement de la tranchée Saint-Anne. La guerre joue parfois de bien cruels tours.

 

A minuit, le tocsin sonne dans la vallée. Des voitures, il ne reste qu’un amas de ferraille et de bois qui se consume dans un immense brasier. Les secours parviendront à extraire 425 cadavres, dont 277 ne seront jamais identifiés. Un chiffre sous-estimé, mais l’armée semble plus préoccupée d’étouffer l’accident que de compter les morts.

Ne pas démoraliser les troupes

« Le Figaro » du 14 décembre est l’un des rares titres de la presse nationale à mentionner « le déraillement d’un train en Savoie ». « On compterait, malheureusement, des morts », poursuit le quotidien. Encore une fois, Anastasie, le petit nom de la censure militaire contre la presse, a sorti ses ciseaux. Mais les journaux ne se brident-ils pas eux-mêmes, conscients que ce drame démoraliserait les troupes, au terme d’une année 1917 marquée par les mutineries ?

Il faudra attendre 1919 pour que le secret militaire soit levé. Entre-temps, la France a gagné la guerre, et les poilus du train sont passés par pertes et profits. Malgré le monument inauguré en 1923, malgré les cérémonies, l’accident a pris le train de l’oubli.

 

 

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