Le Figaro
INTERVIEW – Les Français commémorent ce jour, le 8 mai 1945. Une date historique souvent retenue comme un armistice. L’historien Thierry Lentz rappelle pourquoi il est incorrect d’employer ce mot pour qualifier la capitulation de l’armée allemande.
Chaque année depuis lors, nous commémorons le 8 mai. Mais que marque vraiment cette date? La fin de la Seconde Guerre mondiale, alors que le Japon impérial a déposé les armes le 2 septembre ? Un armistice ? La paix ? L’historien et auteur de Le diable sur la montagne : Hitler au Berghof (Perrin), Thierry Lentz éclaire ces questions.
LE FIGARO – Nous commémorons ce jour, le 8 mai 1945. Mais de quoi parlons-nous ?
Thierry Lentz – Le texte signé le 8 mai 1945 permet de mettre fin à la guerre. L’Allemagne reconnaît sa défaite et dépose les armes. Toutefois, cette capitulation sans conditions n’est pas un traité de paix. Celui-ci aurait dû suivre, comme cela a été le cas à la fin de la Première Guerre mondiale.
Le 11 novembre furent signés l’Armistice et sept mois plus tard, le 28 juin 1919, le Traité de Versailles. La logique aurait voulu que l’on reprenne cette « procédure » et pourtant, il n’y a jamais eu de traité de paix. Si l’on veut donc tirer les choses par les cheveux, on pourrait dire que nous n’avons jamais signé la paix avec l’Allemagne.
On parle souvent d’armistice. Est-ce un abus de langage ?
Cette question de la différence entre « un armistice » et « une capitulation » est importante, même si aujourd’hui, nous avons tendance à utiliser le premier terme, peut-être par analogie avec la Première Guerre mondiale. En 1945, il ne s’agissait pas seulement d’une cessation des combats, mais de la capitulation de toute l’armée et de l’État allemands. Il n’est donc pas question d’un armistice comme on le dit parfois.
Qu’ont donc signé les Allemands en 1945 ?
Le 7 mai 1945 fut signé en anglais à Reims l’Act of military surrender, c’est-à-dire un « acte de reddition ». Le texte de seulement trente lignes signé le lendemain, le 8 mai 1945 à Berlin, est un « acte de capitulation militaire », qui implique le dépôt des armes et pas seulement la fin des combats, comme en 1918.
Commémorer le 8 mai, est-ce le fêter ?
Commémorer ne veut pas dire “célébrer“ mais “se souvenir“. Compte tenu de notre rapport avec l’Allemagne aujourd’hui, nous célébrons plutôt la fin de la Seconde Guerre mondiale, sans en rajouter sur l’écrasement de l’adversaire. Ce qui n’est pas le cas pour la Russie. Elle commémore toujours de façon grandiose et dans l’exaltation nationale la défaite de l’Allemagne nazie. Pour les Russes, le 8 mai est le synonyme d’une immense victoire, il est vrai chèrement payée.
En France Jour férié (Wiképédia)
La loi du 7 mai 1946 prévoit que la commémoration du 8 mai 1945 soit fixée au 8 mai de chaque année si ce jour est un dimanche, sinon le dimanche suivant. Dès cette année et plus nettement dans les années suivantes, c’est-à-dire jusqu’en 1951, la commémoration perd de son importance alors que les associations d’anciens combattants réclament la reconnaissance du 8 mai comme jour férié et chômé. Ces associations organisent ainsi leur propre manifestation. L’adoption de la loi no 53-225 du 20 mars 1953 clarifie la situation : le 8 mai est déclaré jour férié (mais non chômé) de commémoration en France. Cela n’empêche pas les cérémonies de revêtir un réel éclat de 1953 à 1958.
Dans une logique de réconciliation avec l’Allemagne, le président Charles de Gaulle supprime le caractère férié de ce jour par le décret du 11 avril 1959 qui fixe la date de la commémoration au deuxième dimanche du mois de mai. Puis le décret du 17 janvier 1968 décide que le 8 mai sera commémoré chaque année, à sa date, en fin de journée.
En 1975, dans cette même logique afin de souligner la volonté des Européens d’organiser en commun leur avenir pacifique, le président Giscard d’Estaing supprime également la commémoration de la victoire alliée de 1945. Cette décision suscite un tollé général de la part des associations d’anciens combattants.
C’est à la demande du président François Mitterrand que cette commémoration et ce jour férié seront rétablis, par la loi no 81-893 du 2 octobre 1981 qui ajoute cette date à la liste des jours fériés désignés par le code du travail.
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