Marie VAISLIC une figure toulousaine s’en est allée
Marie est née le 11 juin 1930 à Toulouse dans la ville rose mais sa vie sera d’une tout autre couleur.
Ses parents, les RAFALOVITCH étaient juifs polonais immigrés (Le père est né à Konsk dans une famille de 8 enfants et la mère à Piotrkow) vendeurs ambulants à Toulouse. Après un échec d’installation en Palestine (alors sous mandat britannique) où il était parti seul pour ne pas faire son service militaire en Pologne, il envisage de partir aux USA., car en Palestine pas de travail. Son épouse l’avait rejoint entre temps. Retour en France. Arrêt à Paris où un ami lui donne l’adresse d’un frère résidant à Toulouse.
Le couple part s’installer dans cette ville, rue Sainte-Catherine. Sa famille paternelle est au ghetto de Lodz en 1940. Il l’aide parfois financièrement. Des cousins de Paris et des amis Belges logent avec eux dans cette grande bâtisse appartenant à une amie. Elle et son frère aîné (1928) sont naturalisés « Français ».
Novembre 1942 : les allemands envahissent la zone Sud, alors libre et établissent moults règlements, comme : se rendre à la préfecture pour se faire imposer sur la carte identité le mot « Juive » ou « Juif », en profitant même, pour établir un recensement. Le port de l’étoile jaune n’est pas obligatoire. Marie fréquente l’école, est parfois embêtée par les autres enfants la traitant de « sale Polonaise » mais sans plus.
Avec l’armée d’occupation à Toulouse la famille prend des précautions. Elle passe la nuit dans un autre petit logement, en passant par le commissariat de la Grande Rue Saint-Michel. Ce qui la sauve un jour de rafle, un oncle ayant été arrêté et incarcéré au camp de Noé, près de Muret (Haute-Garonne).
25 juillet 1944 : Marie 14 ans profite du bel été chaud et lourd qui règne sur la ville, elle est en conversation avec un ami dans la cour de son immeuble, rue Sainte-Catherine.
Quand soudain deux individus surgissent, l’un est en uniforme allemand, l’autre un milicien belge en civil. Ils vont à la rencontre de nos deux adolescents et s’adresse directement à Marie qui est priée de les suivre, son ami lui, n’est pas inquiété et pour cause c’est un voisin qui a signalé, donc dénoncé Marie, à la Préfecture.
Son frère est en pension à Gourdan-Polignan, et dans une ferme pendant les vacances, c’est ainsi qu’il échappe à cette arrestation.
Elle se retrouve enfermée avec d’autres familles juives, arrêtées elles aussi, à la caserne Caffarelli de Toulouse. Quelque temps après tout ce monde est emmené à la gare Raynal (gare de marchandises) où un convoi les achemine le 30 juillet 1944 vers le camp de Ravensbrück, 80 km au Nord de Berlin. Camp réservé aux femmes où ce convoi arrive le 8 août suivant.
Elle se demande pourquoi elle est là, elle ne savait même pas qu’elle était juive, et cette situation le lui fait comprendre. Elle ne sera soumise à aucun travail obligatoire, son jeune âge l’en dispensant, mais néanmoins elle sera témoin du sort réservé à toutes ces femmes prisonnières.
Vers 3 ou 4 h il faut aller dehors pour répondre à un appel par sirène. Il faut rester debout une heure voire plus. Le deuxième jour marie s’évanouit, se réveille la « Stubova » (kapo) ne parlant pas français, aurait prononcé ces mots : « toi tu ne tiendras pas longtemps ».
Les filles à partir de 18 ans travaillent à assécher le camp bâti sur des marais. Marie, quant à elle, organise sa propre discipline, essaye de passer inaperçue. Elle a la nourriture des enfants, autrement dit pauvre : une soupe blanchâtre, un peu de pain et un quart de lait, ce qui fait qu’elle a toujours faim.
Une famille « Allouch », qui pratique l’entraide aux déportés Français, la prendra quelque peu en charge.
Elle assiste au passage des charrettes sur lesquelles sont entassés les cadavres de ceux morts dans la nuit, squelettes désarticulés aux membres pendants : l’horreur. Ces images la hanteront longtemps après son retour.
En face du camp, derrière les barbelés, elle aperçoit des enfants bien habillés, relativement bien nourris ce sont des « Mischling » des demi-juifs, (père juif/ mère catholique ou inversement, loi de Nuremberg 1935).
Début 1945, les alliés progressent, l’ennemi évacue le camp vers Bergen-Belsen, qui sera un enfer par rapport à Ravensbrück. Parcours à pied, camion et train.
15 avril 1945 : Ouf elle est enfin libérée par l’armée anglaise. Affaiblie par le manque de nourriture et la dysenterie, elle rentre en France, à Toulouse, le 20 mai. Arrive à l’hôtel Lutetia, passage obligé pour tous les rescapés. On la renseigne et découvre l’adresse d’un oncle, au 5 rue saint-Vincent de Paul à Paris.
Elle s’y rend donc, y retrouve son cousin David. Ce dernier, télégraphie à son père à Toulouse qui vient ensuite la récupérer.
En 1951 elle épouse Jean VAISLIC, un compatriote juif rescapé d’Auschwitz et de Buchenwald.
Comme la plupart des personnes ayant vécu cette période tragique, un rideau est tiré dessus, on n’en parle pas. Toute la famille de son père, sauf 1 frère, est anéantie quant à celle de sa mère, 2 frères sur 3 ont aussi disparu.
Un élément déclencheur va intervenir. C’est la venue de Serge Klarsfeld, pour inaugurer une plaque commémorative à la gare Raynal de Toulouse.
La conscience de Marie se réveille, elle rassemble dans la douleur ses témoignages et en 2014 publie son premier ouvrage « Seule à 14 ans à Ravensbrück et Bergen-Belsen où la mort plane » un deuxième ouvrage « il n’y aura bientôt, plus personne » en 2024.

DDM- NATHALIE SAINT AFFRE
Marie raconte son histoire dans un livre
Ses témoignages sont enregistrés aux musées de la Résistance et de la Déportation de Toulouse et de la Shoah.
Elle témoigne, à partir de 2000, dans les collèges et lycées afin que perdure ses témoignages auprès de la jeunesse, et que celle -ci ouvre les yeux.
Marie, décède ce 1er mai 2025 à Toulouse, et est inhumée le lendemain au cimetière israélite de Portet sur Garonne. Elle rejoint son mari Jean décédé le 7 janvier 2022.

Marie avec son mari Jean
Distinctions :
Chevalier de la légion d’Honneur en 2016.
Commandeur des Palmes Académiques en 2024.
Sources : divers sites internet, dont l’INA.
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