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                                                         Michèle AGNIEL   

Née le 11 juin 1926 à Paris d’un père Gérard MOET d’origine néerlandaise naturalisé Français, par le droit du sol, ancien combattant de 14 /18, employé dans une agence de Bourse à Paris et d’une mère française Geneviève AGNIEL, ayant fait des études en Angleterre.

Au début de la seconde guerre mondiale la famille MOET est en vacances à Fort-Mahon (Somme).Et entend à la radio la déclaration de Guerre. Le père rentre à Paris pour son travail laissant la famille sur place au lieu de rentrer à Saint Mandé (Val de Marne), comme chaque année.

A Fort-Mahon un lycée est dédié aux enfants d’autres régions. Michèle le fréquente et y fait la connaissance de Janet SAMUEL professeur d’Anglais. De temps en temps sa mère invite quelques professeurs à diner dont Janet SAMUEL bien entendu.

A la mi-Mai son père revient les chercher pour les ramener à Paris en train. Ce dernier est mitraillé, les obligeant à le quitter. La famille continue à pied jusqu’à en prendre un autre pour terminer leur parcours. Dans ce périple ils assisteront au bombardement d’AMIENS ou plus précisément de la prison, nous sommes le 18 Mai.    

 Puis la famille se rend à La Biriochère au sud de Pornic. Elle y est accueillie par une dame qui va les héberger, ainsi que d’autres personnes, au total ils seront dix. Le 10 Juin Gérard MOET, le père donc, part les rejoindre et n’arrive que le 11 car le début du trajet a été fait dans la voiture de son oncle puis les derniers kilomètres à vélo. C’est une heureuse surprise pour Michèle dont c’est l’anniversaire.

Ayant entendu le discours de Pétain et sa demande d’armistice du 17 Juin, le père pourtant adorateur de Pétain au début se sent trahi. Il faut faire quelque chose dit-il. Tous les soirs  la famille écoute, quoique interdit, Radio Londres. Les « Ausweiss »   obtenus tout le monde rentre à Paris. N’acceptant pas cet état de fait ils vont se tourner vers Charles de Gaulle, ayant eu connaissance de son appel du 18 Juin.

Le père qui travaillait pour les anglais a perdu son travail, il va en retrouver un à la mairie du 12 éme.

Michèle fréquente à la rentrée de 1940 le lycée Hélène Boucher (porte de Vincennes) dirigé par Louise FONTAINE1. Elle montre son désaccord avec l’armistice en dessinant des croix de Lorraine ou en recouvrant les croix gammées dans divers endroits de son lycée, les allemands occupant une partie du lycée.

Novembre 1940 : sa mère reçoit une lettre de Janet SAMUEL annonçant qu’elle vient à Paris le 11 Novembre avec sa sœur Jacqueline. Après quelques discussions et échanges d’avis Janet est rassurée sur leur position envers les allemands et notre envie d’entrer en résistance.

Elles reçoivent un volumineux courrier venant de Versailles contenant des tracts, avec seulement un mot « copier et distribuer », ce qui se fera, à quatre,en famille.

 Février 1941 : Jacqueline la sœur de Janet, élève infirmière, vient les avertir qu’envoyer ces tracts par la poste devient dangereux et qu’il conviendrait d’aller les récupérer à Versailles où leur mère est l’intendante du lycée. Cette dernière sera ensuite relayée par Yvette GOUINEAU2, prof de français.

Michèle ira en train jusqu’à Versailles chercher ces documents et ne sera pas inquiétée, sa jeunesse lui évitant un quelconque tracas. Les tracts originaux seront recopiés, voire ensuite ronéotypés et distribués comme il leur a été demandé.

Sa famille va résider à Saint Mandé. Elle cache, sur la demande d’Yvette GOUINEAU, un prisonnier français évadé. Jeannette la sœur de Mr MOET est la seule à connaître leurs activités.

 Michèle malade, primo infection, fera un court séjour (6 mois) à Limoges.

A son retour ses parents font « partie » du réseau « Bourgogne ». Ils hébergent pilotes américains et Anglais, une vingtaine au total. Des cartes d’identité vierges sont achetées chez un papetier et servent à établir de faux papiers pour évacuer ces alliés vers l’Angleterre via les Pyrénées, l’Espagne et Gibraltar. Par ailleurs Mr MOET étant employé à la mairie, en relation avec un collègue qui ne déclare pas tous les décès, récupère des cartes d’’alimentation pour subvenir aux besoins des « clandestins ». Agée de 17 ans Michèle emmène un membre de ce réseau, Jean CARBONNET, dans un autre en Bretagne. Elle continue ensuite à convoyer aviateurs alliés, récupérés à Noyon, Creil ou Chauny, à Paris. Pour cela, elle les a fait photographier (identité) aux magasins du Louvre, rue de Rivoli, en leur demandant de ne pas parler car elle les fait passer pour des sourds et muets d’un établissement spécialisé voisin. 

Parallèlement elle continue de suivre ses cours au lycée.

Dénoncée, certainement par vengeance, par un ami du neveu d’une relation à qui CARBONNET avait refusé de faux papiers pour échapper au STO, la famille MOET est arrêtée le 28 Avril 1944 par la milice et la gestapo qui avaient suivi CARBONNET hébergé chez la famille.

 Hélas en rentrant chez elle Michèle, ayant changé de parcours, n’a pas aperçu le signal de danger, un chiffon blanc, mis en urgence à la fenêtre par sa mère Geneviève. Elle se trouve ainsi en entrant chez elle face à face avec les allemands et 3 miliciens. Le père arrivant plus tard a remarqué cet avertissement, mais n’a pas voulu abandonner sa famille. Sont aussi pris 2 aviateurs anglais et le matériel de communication saisi.

L’abbé COURCEL, de la paroisse Saint-Roch (1er arrdt) venant nous rendre visite quelques minutes après est aussi arrêté. Lui aussi cachait des aviateurs dans les combles et du matériel (cartes d’identité, tampons récupérés dans les mairies bombardées et détruites) dans les orgues.

Et enfin Jacqueline SAMUEL apportant des provisions repéra le signal et repartit donc se cacher jusqu’à la libération de PARIS le 25 Août 1944.

Le frère de Michèle n’intéresse pas à priori les allemands. Il restera donc sur place, pris en charge par des religieuses puis par des amis de la famille.

Ils sont dirigés (père, mère, fille, CARBONNET et l’abbé COURCEL) vers la « kommandantour « de Nogent sur Marne puis rue des Saussaies à Paris, siège de la gestapo, pour y être interrogés pendant 5 heures et transférés enfin à Fresnes la nuit d‘après, Michèle et sa mère dans une voiture et le père dans une autre, c’est la dernière fois que Michèle l’a vu.

Lors de l’arrestation, CARBONNET sachant que le petit frère Jean-Marie ne sera pas inquiété glisse  dans la poche de Michèle, un carnet pour lui. Elle lui remet donc discrètement, il le prend le dissimule tout en serrant son ours en peluche sur lui. Ce carnet rempli d’adresses sera remis aux HAUCHECORNE3, famille d’amis, qui préviendront tout le réseau.

Jean-Marie aura la présence d’esprit « d’alimenter » les toilettes avec les pages du carnet pour supprimer ce compromettant objet, si toutefois danger il y avait.

Après un séjour de 4 mois ½ à Fresnes, le 14 Août 1944 un autobus emmène mère et fille à la gare de Pantin. Elles sont enfermées dans un wagon à bestiaux. Ce train emmène plus de 2000 hommes et 60 femmes.  Il démarre le 15, puis est obligé de s’arrêter le 16 au matin à Nanteuil car un tunnel a été bombardé.

A pied il faut rejoindre un autre train et repartir. Durant le transport elles glissent de brefs messages par les interstices du plancher du wagon, espérant que les cheminots les ramassent. Ce qui arriva car Jean Marie eu connaissance d’une lettre de son père.

Nouvel arrêt, descente du train et 5 km à pied en traversant la Marne pour reprendre un autre train. Le 18 Août arrivée à la gare de WEIMAR (pour ceux, les hommes, qui iront à BUCCHENWALD). Le train repart vers RAVENSBRÜCK cette fois ci avec un arrêt à FÜRSTENBERG où elles descendent pour rejoindre à pied le camp de Ravensbrück.

Du bruit, des cris pour ne pas dire des aboiements : ce sont les AUFSEHERINNEN, les gardiennes, qui ordonnent de se mettre en rang. Départ, marche pendant 2 jours, sous la chaleur de ce mois d’Août. Arrivée au camp (80 km nord de Berlin) 2 jours après. Découverte de ce camp : un cauchemar.

Première nuit passée dehors, heureusement en cette saison la température est supportable. Le lendemain tout ce qu’elles possèdent est pris. Elles se retrouvent nues ! puis dirigées vers les douches avec, oh surprise, du savon.

Fourniture de robes modèle à rayures bleu/gris et galoches en bois. Sur la robe un triangle rouge puis 2 numéros : 575764 pour Michèle et 57575 pour sa mère. S‘ensuivent 2 visites médicales.

La journée : lever 3 h ½, petit déjeuner. Appel : horrible car 3 à 4 heures debout, sans rien dire. Pendant ce temps Michèle révise mentalement ses matières pour le BAC.  Cet objectif et la foi (prière pour ne pas être séparée de sa mère) lui ont permis de tenir.  Puis travail en dehors du camp avant de rentrer dans les baraquements. Possibilité de recevoir, mais oui, des colis à partir de 1941 dont le contenu s’évaporait quelque peu, voire plus, au profit des gardiens.

Problème de santé avec une occlusion intestinale soignée avec le peu de moyens dont disposait le Dr PERETTI médecin corse de leur baraquement, ceci pour lui éviter d’aller au « Revier » infirmerie du camp et d’être séparée de sa mère.

Septembre 1944 : le 5, direction TORGAU  nouveau camp de travail à 50km au Nord de Leipzig, à pied. Le travail consiste à nettoyer des obus en les trempant dans des bacs d’acide, travail fait bien entendu sans sérieux, esprit de résistance oblige.

Mais une prisonnière, Janie ROUSSEAU5, déclara aux SS que ce travail n’est pas conforme aux conventions de Genève et qu’en conséquence elles le refuseraient.

Délibérations SS et changement de cap. Répartition de toutes les détenues en différents commandos.

 Le 15 Octobre direction KÖNIGSBERG (en Pologne CHOJNA aujourd’hui) pour 350 femmes dont 50 françaises environ. Le travail : construire un terrain d’aviation. Travail exténuant à piocher et pousser des wagonnets de terre.

19 Août 1944 : libération de Paris, connue seulement le 21 et divulguée dans le camp en particulier par GENEVIEVE de GAULLE. Un véritable souffle d’espoir, d’autant qu’elles savaient que les russes arrivaient, et comme elles étaient affaiblies car sous alimentées, il leur tardait.

31 Janvier 1945 : en plein travail, on les renvoie au camp pour y être enfermées. Pas d’appel, pas de diner.

Du bruit dans la nuit, des ordres ce sont les allemands qui s’enfuient.

Le matin : le silence, pas d’appel, pas de sirène plus personne. Investissement de l’intendance et pillage pour manger.

3 Février : deux officiers allemands sont revenus dans le camp leur ordonner de sortir, une détenue parlant l’allemand leur signale des cas de typhus. Effet immédiat : le feu est mis au baraquement qui s’embrase. Les détenues sortent par l’arrière et attendent dans un appentis pendant 2 jours.

Nuit du 5 au 6 Février :  du vacarme, des bruits de combats qui se rapprochent et le matin 3 soldats russes sont là. Aussitôt ils les réconfortent : eau chaude pour toilette, nourriture pendant 15 jours.

Départ sous la neige puis arrivée à WAGROWIEC. Accueillies et hébergées par les familles polonaises pour être ensuite admises dans un hôpital pour 4 mois.  

21 Juillet : rapatriées en France avec une arrivée gare du nord après avoir traversé la Pologne, l’Allemagne, la Hollande et la Belgique. Dirigées vers l’hôtel LUTETIA, lieu de regroupement et de centralisation des données connues. Là, Michèle acquiert la certitude que son père ne rentrera pas.

Puis retour dans leur maison de Saint-Mandé accueillies avec joie par leurs voisins.

Reprise des études le BAC réussi, en 2 parties à l’époque. Choix de 2 « deuxième partie »: maths et philo.

Employée comme correctrice dans une maison d’édition pour subvenir aux besoins de la famille et finalement abandon des études de chimie car trop de travail.

 Michèle convaincue par une amie institutrice embrasse la même carrière.

Elle épouse en 1947 Claude AGNIEL un ami d’enfance, qui deviendra expert-comptable. De cette union naîtra un fils Francis.

La vie s’écoule. Michèle ne parle pas de son passé pendant près de 40 ans.

Sa mère, évoquait quelquefois Ravensbrück. Son frère marquait par leur absence ne disait mot, quant à Michèle les cauchemars nocturnes la réveillaient.

 Comme beaucoup elle voulait enfouir ce passé.

NDA : il est en est de même pour nous qui faisons vivre ce site : notre douleur a été réveillée en 2004 et 2006 par 2 décrets nous laissant au le bord de la route. MERCI D’EXPLOREZ NOTRE SITE.

En 1980 face à l’émergence de l’extrême droite et des propos négationnistes tenus Michèle réagit. Elle va alors témoigner dans les écoles, collèges et lycées afin que la jeune génération prenne conscience du passé et que la mémoire soit bien transmise et perdure.

                                                

De plus une interview parue dans l’express « A Auschwitz seuls les poux ont été gazés » n’a fait que renforcer ce désir de témoigner.

Des liens perdurent avec les aviateurs anglais hébergés, chez qui elle se rendait ou inversement, ainsi qu’avec les américains.

 

Décorations :

Médaille de la  Résistance. Officier de la Légion d’Honneur. Croix de guerre 39/45. Croix du combattant volontaire. Medal of freedom (USA). Medal for courage (GB).

Une rue « Michèle MOËT-AGNIEL à Migne-Auxances (Vienne).

Un livre de Bobbie Ann Maeson (USA) « The girl in blue béret » en 2011 ». 

Un autre « Nous étions résistantes » de Sophie CARQUAIN, en Août 2020 

Sources : sites internet. Périodique « Notre Temps ». Livre cité ci-dessus pour l’essentiel.

Notes :

1°) Agrégée d’histoire. Aident les élèves et professeurs résistants. Arrêtée, incarcérée à Fresnes pour                quelques mois. Réintégrera son lycée par la suite.

2°) Entre en résistance en Juin 1940. Amie des sœurs Samuel. Très active localement. Décorée Légion d’Honneur, médaille de la résistance et croix du combattant volontaire.  

3°) Arrêtés mais relâchés aussitôt.

4°) Ce n° signifiait qu’au moins 5700 détenues étaient présentes. Changeait si transfert dans un autre camp.

5°) Punie par 1 mois de cachot.

 

 

 

 

 

 

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