Régine SKORKA-JACUBERT une battante

    photo : Shoah

Née le 24 janvier à Zagorow (Pologne) sous le nom de Rivka Skorka. Elle est la fille du rabin Jacob Skorka (né 21/09/189 à Orzóków) et de Slatka Szejman (née 11/12/1892 à Zagórów) modiste. La famille se compose de 6 personnes avec les 3 frères : Yerme (Jérome), Lajb (Léon, né 21/09/1927) et Zaime (Zali).

Son père Jacob est enseignant en langue hébraîque, malgré cela les ressources de la famille ne suffisent pas. On fait appel à la grand-mère maternelle de Régine et ses enfants qui sont en France, à Nancy. Cette dernière demande à un patron juif travaillant dans la métallurgie, Mr Nordon, qui deviendra ensuite délégué UGIF, s’il peut établir un contrat de travail à son père.

Réponse positive, Jacob part à Nancy en 1929 pour y travailler. L’année suivante le reste de la famille le rejoint.

Rivka, francise son nom en Régine. Les autres membres de la famille demande à être naturalisés, car considérés comme apatrides en Pologne. C’est une longue procédure, qui d’ailleurs sera ajournée quand la Wehrmacht va envahir la France en mai /juin 1940.

Par prudence la famille quitte Nancy pour rejoindre Bordeaux puis Libourne. Les 2 frères trouvent un emploi dans l’agriculture, les autres vivent de petits boulots comme aider sur les marchés.

Septembre 1940 : Régine repart à Nancy, elle fait bien car sa famille est arrêtée et internée au camp de la Lande à Monts, près de Tours (Indre et Loire). Camp ouvert, d’où l’on peut sortir au début. Son père y pratique la « kashrout » (code alimentaire) dans le camp qui sera fermé et clôturé. Son frère ainé Jérôme, s’évade en octobre 1941 et file à Dijon. Fin 1941, les hommes, donc son père et son frère sont envoyés au camp de Phitiviers. Sa sœur Régine va le récupérer cachée, avec la complicité de cheminots, dans une poubelle pour sortir de la zone occupée.

A Nancy, Régine pratique le commerce, ce qui est interdit, aux Juifs. Elle est condamnée à une amende et à l’arrêt de ce travail.  Pierre Marie, de la préfecture de Nancy, leur procure de fausses cartes d’identité. Sa première le 1er janvier 1941, sera au nom de Hiebel née à Metz. Son frère sera Hubert Hiebel né aussi à Metz. Mais dans l’attente de ces pièces, ils sont hébergés dans une famille française, non juive. Ces faux papiers, lui permettront de rendre visite à sa famille internée. Sous son vrai nom elle la rejoindrait.

Juillet 1942 : Régine et son frère sont avertis par des policiers, du bureau des étrangers, d’une possible rafle (Ces policiers, dont le chef est un certain Mr Vigneron, auront sauvé environ 200 à 300 personnes).  Ils partent à Lyon, encore en zone libre, où son frère s’engage chez Citroën. Régine quant à elle entre dans la résistance (Jeunesse juive résistante) tout en trouvant un emploi dans la chaussure chez madame Tabouret place des Terreaux, (1er arrdt.)

22 juin 1944 :la gestapo et la milice française les arrêtent et les emmènent place Belcour, siège de la gestapo. Ils sont interrogés par Klaus Barbie (le boucher de Lyon). Régine ne révèle pas son nom. Séjour à la prison Montluc de Lyon. Ils seront dirigés vers Drancy. Dans la nuit du 26 au 27 ils sont réveillés par une grande agitation : c’est Aloïs Brunner 1 qui hurle ses ordres.

photo : Shoah

 

Le 31 juillet 1944 ils prennent la direction d’Auschwitz dans le convoi n° 77. Ce seront 3 jours et 3 nuits d’un voyage inconfortable, inhumain dans un wagon à bestiaux. Ils ne se retrouveront qu’après la libération. A sa descente du train son voisin de wagon, originaire de Lunéville (proche de Nancy) et qu’elle a reconnu, lui dit en Yiddish, afin que les soldats ne comprennent pas, « éloigne-toi des vieux et des enfants », ce qu’elle fit évitant ainsi la file des condamnés.

De même elle court vers son amie Ida, qu’elle arrache à sa grand-mère et mère, et l’entraîne avec elle, ce qu’Ida ne comprends pas (ce sera pour plus tard) et lui en voudra un moment.

Le lendemain elle demande à ce même homme où sont passés ses parents, il lui indique la cheminée d’un crématoire. Ses parents et son autre frère avaient déjà rejoints ce camp : Léon le 20 juillet 1942 convoi n°8, le père et la mère par le convoi n° 31 du 11 septembre 1942. Ils seront gazés à leur arrivée.

28 octobre 1944 :  Régine est transférée dans un complexe d’armement en Tchécoslovaquie (Tchéquie actuelle) à Kratzau ( Chrastava en Tchéque), nord du camp de Gross-Rosen, où elle sera affectée à la fabrication de grenades.

9 mai 1945 : les SS ont quitté le camp, Régine, 30 kg, est libérée. Il lui faut aller à Prague, en charrette, pour prendre un train à destination de la France, en l’occurrence Saint-Avold. Puis ce sera au centre d’accueil des réfugiés de l’hôtel Laetitia à Paris. Elle part à Nancy le 3 juin 1945, y retrouve son frère Léon, arrivé en janvier et qui a survécu aux 500 km de la marche de la mort. Ce seront 21 membres de leur famille qui auront disparus.

Sa tante de Nancy lui signale que les 3 enfants de son frère Robin Sejman, dont les parents ont été arrêtés, sont placés dans une famille juive à Châtellerault qui refuse de les rendre. Mission est confiée à Régine de résoudre ce litige. Elle va à la sortie de l’école et enlève les 3 enfants. Voyage dans une charrette jusqu’à Limoges où tout le monde prend le train pour Nancy.

Régine se marie en 1947, avec Henri JACUBERT né en Suisse, lieutenant, ancien résistant du maquis du Vercors (Drôme). Ils auront 2 enfants : Jacques et Serge. Régine, à partir de 1980 porte son témoignage dans les collèges et lycées jusqu’à son décès le 1er décembre 2016 à Nancy.

Sera témoin en 1979/80 au procès de Kurt Lischka.2 (1909/1989).

photo : France info

Notes :

         1°) Fils d’une famille catholique autrichienne, antisémite, né un 8 avril 1912 en Hongrie (alors empire austro-hongrois), il est responsable, excusez du peu ! !  de la déportation de 47 000 juifs autrichiens, de 43 000 juifs grecs et de 25.000 français et des enfants d’Izieu (article du 10 avril 2023 sur ce site). Arrêté et libéré, ? il s’enfuit et devient conseiller du Syrien ’Hafiz el-Hassad en 1954, mort en 2001 dans un cachot, lâché par son protecteur.

2°) SS (SchutzStaffel) du parti nazi, a fait déporter le 28 octobre 1928, 20 000 juifs de Berlin vers la Pologne, responsable de la rafle du  «Vél d’hiv » puis transfert d’environ 73 000 juifs de Drancy à Auschwitz, et actif   lors de la fameuse « nuit de cristal » en Allemagne, Autriche et Sudètes (9/10 novembre 1938)

 

Distinctions : Chevalier de la Légion d’Honneur le 8 mai 2005.

Un livre : « Fringale contre usine à mort » en 2009.

 

 

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