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 TIRAILLEURS SÉNÉGALAIS   1940    tiraillés, tirés ou oubliés

AIRAINES dans la Somme, le 7 juin 1940 : les rescapés du 53 éme RICMS1 et leur capitaine  Charles N’TCHORÉRÉ se rendent aux forces allemandes.

Après 3 jours de combats, ils sont à bout de force. Ils ont, sous forte  chaleur, défendu ce bourg. Leur capitaine de 43 ans, originaire de Libreville est un officier expérimenté, qui a participé à la grande guerre.

En 1939 il dirige l’école des pupilles de l’armée à Saint Louis du Sénégal lorsque la guerre est déclarée, Charles se porte immédiatement volontaire et s’engage. Il est affecté sur le front de la Somme. Il encourage, galvanise les différents régiments engagés sur ce front, il ne veut surtout pas abdiquer jusqu’au jour cité plus haut.

Fait prisonnier donc avec ses  hommes, il se rebelle lorsqu’un soldat allemand le pousse sans ménagement  pour qu’il rejoigne les autres prisonniers. Il fait valoir son rang d’officier en montrant ses épaulettes et en ajoutant « Ich bein ein offizier »…..ce qui ne va rien changer à l’attitude du soldat, bien au contraire il lui tire dessus. Charles N’TCHORÉRÉ s’écroule et reçoit encore  2 balles pour terminer l’exécution, car c’en est bien une.

L’artilleur Gérard MILLE, prisonnier « blanc » et témoin, raconte que plus tard des soldats sont venus chercher les tirailleurs sénégalais, la peur se lisait sur leur visage. Ils ont suivis, bien obligés, ces soldats de la Wehrmacht.  Puis peu après des rafales d’armes automatiques se font entendre. Des corps, de nombreux corps sont étendus après ce nouveau massacre.

 

Ce genre de fait se reproduira dans la commune voisine d’Hangest sur Somme et ce malgré les protestations d’officiers français.

Puis d’autres encore à Aubigny et Fouilloy (Somme), à Erquinvillers (Oise), à Maintenon (Eure et Loire), à Feucherolles (Seine et Oise), à Arthonnay (Côte d’Or) et à Clamecy (Nièvre).

Les 19 et 20 juin 1940 alors que Pétain a demandé l’arrêt des combats quelques officiers d’Etat Major de Lyon décident de réagir avec la mise en action du 25 éme régiment de Tirailleurs Sénégalais, , cantonné au château de Montluzin, qui attaque et résiste pendant 2 jours à la 10 éme Panzerdivision, au régiment «Panzergrenadier division Grossdeutchsland » et aux SS de Tottenkopf 2.

L’armée allemande va se venger de ce qui fut un guet-apens. Elle capture, vers 15 h 30, l’ensemble du 25 éme régiment, éloigne les officiers et soldats « blancs », emmène  et liquide à Chasselay (Rhône) tous les tirailleurs sénagalais au lieu dit Vide-sac. Pour ajouter à l’horreur les chars écrasent le peu de survivants, certains survivront.

Les nazis s’acharnent contre les troupes indigènes, appelées « die Schwarze schande » la honte noire,  attitude ayant pour origine la guerre 14/18 où les allemands redoutaient ces tirailleurs sénégalais et leur coupe-coupe qu’ils avaient avait fait suivre. Ils étaient qualifiés «  d’Untermenschen » sous-hommes ou « d’Affen » singes.

Bilan : près de 15 000 tués ou disparus sur les 63 000 sénégalais et 15 000 malgaches dont la plupart sont morts les armes à la main.

Un homme très connu, Léopold Sédar Senghor du 31 éme régiment  d’infanterie coloniale  a échappé à la mort. Arrêté le 20 juin 1940 à La Charité sur Loire, mais là encore l’intervention d’un officier français fera revenir les allemands sur leur décision. Il sera ensuite transféré dans divers camps. Le dernier à Poitiers  au « Frontstalag 230 », réservé aux troupes coloniales. Il finira à la prison de Saint-Médar-en-Jalles, près de Bordeaux  Il aura passé près de 2 ans en détention. Il deviendra par la suite le président du Sénégal (960-1980) et l’écrivain que l’on connaît après avoir été ministre en France.

Après l’armistice les allemands ne voulaient pas de « noirs » sur leur territoire. Des « fronstalags » en France, gardés par des gendarmes français en accueilleront 15 000. Mais tuberculose et pneumonie en emporteront beaucoup.

Quelques uns  s’évaderont pour rejoindre le maquis le plus proche. 5 000  d’entre eux seront chez les FFI et certains seront fusillés pour faits de résistance.

 Addi BAH vers 1930

L’un de ceux-ci Addi BÂ3 un guinéen, né en 1916, arrivé en France en 1937/38 grâce à la famille Maurice qui lui propose de l’emmener en France. il servira comme domestique chez un percepteur, à Langeais (Indre et Loire), puis partira à Paris. S’engage en 1939 au 12 éme régiment de Tirailleurs sénégalais, fait prisonnier il s’évade, et rejoint le 1er maquis des Vosges, maquis de la délivrance, en octobre 1940. Il y est actif, fera passer 40 de ses camarades en Suisse en 1941. Hélas il est dénoncé et  arrêté chez lui dans sa maison de Tallaincourt, le 18 novembre 1943 à Épinal. Les allemands torturent celui qu’ils appellent « der schwarze terrorist » qui ne parlera pas et sera exécuté le 18 décembre 1943 au plateau de la Vierge..proche de la caserne militaire. Il obtiendra la médaille de la résistance le 13 juillet 2003…………..enfin ! !

Lilian THURAM bien connu dans le monde du football, a consacré un chapitre à cet homme dans son livre  « Mes étoiles noires ». Un autre livre aussi : Addi BÂ résistant des Vosges en 2013 par Etienne Guillemond et enfin un film de 2017 « Nos patriotes » de Gabriel Le Bomin.


Notes :

  1°) Régiment d’Infanterie Coloniale Mixte Sénégalais.

2°) 3éme division SS de « Panzerdivision » dont le symbole ou l’insigne était une tête de mort.

3°) de son vrai nom : Mamadou Hady Bâh. Résistant il a été aidé par une institutrice  Pauline MALIERE (1893-1975) arrêtée, déportée et libérée en 1945. Sera exécuté en même temps que lui Marcel ARBURGER (1904-1943) responsable du maquis.

Addi BÂ repose en la nécropole de Colmar, son nom est inscrit au monument aux morts d’Epinal. Une rue de Langeais  porte son nom depuis 1991,  la commune n’a pas attendu trop longtemps pour honorer sa mémoire, ainsi qu’à Tallaincourt.

Sources : divers sites internet, revue spécialisée « Le monde », scoop internet, radio, TV, avec les réserves habituelles de la fiabilité des sources.

NDLR : la sortie du film d’Omar SY m’a fait « coller » à l’actualité du moment. Il a fallu plus de 50 ans de contentieux pour que la France s’occupe des pensions de ces  quelques 85 000 Anciens Combattants. Ils ne sont plus qu’une quarantaine, âgés d’au moins 90 ans, qui vont pouvoir retourner définitivement au pays pour toucher leur pension sans obligation de résider 6 mois  en France, enfin une absurdité levée.

 

 

 

 

 

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