11 Novembre 1940
Le ciel est bien gris sur Paris en ce jour, il bruine et ce temps n’est pas propice à la balade. Cependant le calme de cette journée de Lundi va au fil des heures disparaître et la capitale devenir pour quelques heures le siège d’événements autant prévus qu’imprévus.
Déjà depuis le début de la matinée des gerbes sont déposées au pied de la statue de Clémenceau, en fin de journée plus de 750 bouquets auront été déposés.
Parallèlement à cela une manifestation patriotique est prévue à l‘Etoile. Des centaines, voire des milliers de jeunes parisiens, étudiants pour la plupart, vont remonter les Champs Elysées pour aller sur la tombe du soldat inconnu1.
Une raison à cet événement : l’occupation allemande, depuis le 14 Juin, qui s’intensifie, leurs drapeaux sur les différents édifices, les panneaux de signalisation en lettres gothiques et les nombreux soldats qui déambulent armés, s’installant aux terrasses des cafés. La Wehrmacht ayant même installé un canon anti-aérien sur le toit du 102 rue d’Assas ( 6 éme ) en protection du palais du Luxembourg.
A ce même numéro habite Pierre LEFRANC, étudiant de 18 ans à la fac de droit, qui est exaspéré par cet environnement. Avec d’autres amis il recopie un tract, le distribue largement dans la population étudiante. Ce tract invite à se rendre vers 17 h 30 sur la tombe du soldat inconnu et à ne pas se rendre en cours car ce 11 Novembre a été annulé en tant que jour férié rendant donc obligatoire la présence en Faculté, consigne donnée dès le 26 Octobre par Georges Ripert secrétaire à l’Instruction publique.
Tract rédigé au sein d’une association d’étudiants l’UNEF, 5 place Saint Michel (5 éme), à l’initiative de Jean Ebstein-Langevin (royaliste), François Lescure (communiste PCF) et Claude Boulanger. Quant à Pierre Lefranc il représente les manifestants patriotes apolitiques et pense déjà rejoindre Charles de Gaulle à Londres.
S’ajoute à cette initiative l’arrestation par la gestapo le 30 Octobre, certainement sur ordre de Vichy, de Paul LANGEVIN physicien, professeur au Collège de France. Arrestation émaillée d’incidents avec les troupes allemandes concernées.
Vers 16 heures les choses se précisent au vu de l’arrivée place de l’Etoile de quelques étudiants issus de la Sorbonne, du lycée Jean-de-Sailly qui eux portent une gerbe de fleurs de 2 mètres en forme de Croix de Lorraine, du lycée Carnot bravant ainsi l’interdiction de toute manifestation qui ne saurait être tolérée avait annoncé le commandement allemand.
Par petits groupes ils remontent les Champs Elysées en scandant « Vive la France », « Vive De Gaulle », « à bas Hitler » passant devant des soldats allemands attablés aux terrasses de café ou déambulant sur les trottoirs et qui ont l’air surpris. Certains brandissent 2 cannes à pêche( 2 gaules), un symbole silencieux. Assistèrent aussi à ce rassemblement Yves Kermen2, André Weil-Cureil3, François Bresson4, Francis Cohen5, Olivier de Sarnez6, Alain Griotteray7 et Germaine Ribière8.
Les allemands se ressaisissent et décident d’intervenir pour disperser tout ce monde. Ils tirent en l’air dans un premier temps, lancent quelques grenades. Devant ces jeunes les allemands ont été relativement raisonnables en intervenant modérément. Néanmoins 200 d’entre eux seront arrêtés soit par la police Française ou allemande, emmenés dans différentes prisons. Quelques-uns seront libérés aussitôt mais 140 resteront en prison jusqu’au début Décembre. Vers 18 h 30 tout est rentré dans l’ordre.
La police allemande pour éviter toute récidive arrêtera 1000 personnes le 21 Novembre mettant fin ainsi à de nouvelles tentatives.
Au cours de ces accrochages Pierre LEFRANC blessé par des éclats de grenade est arrêté, mené à la prison de la santé puis de Fresnes où il sera libéré au bout de 6 mois, s’empressant de passer en Zone libre afin de rejoindre Londres et Charles de Gaulle en Mai 1943.
Ce même Charles de Gaulle qui dans ses mémoires écrira une phrase : « saluant ces jeunes Français courageux qui les 1ers ont apporté une note émouvante et réconfortante à son combat ».
Notes :
1°) désigné le 8 Novembre 1920 à Verdun par Auguste THIN (note supplémentaire en fin de document).
2°) résistant communiste, fusillé au mont Valérien le 17 Avril 942.
3°) rejoint La France Libre en Juillet 1940 (décès Janvier 1988)
4°) arrêté en 1940, en prison jusqu’en Mars 1941 (décès Janvier 1996)
5°) journaliste communiste (décès juillet 2000)
6°) père de Marielle SARNEZ [( bras droit de F.Bayrou)] (décès Avril 2013)
7°) journaliste, le plus jeune résistant de France (décès 2008)
8°) fait partie des jeunesses étudiantes chrétiennes (décès novembre 1999)
Note supplémentaire : Auguste THIN est le fils de Louis Jules Adolphe né le 21 août à Port en
Bessin (Calvados), tué lors de l’assaut du fort de Vaux le 27 juin 1916.
De ce fait Auguste, domicilié à Port en Bessin, est Pupille de la Nation et nous a précédé dans ce que nous pourrions appeler « le grand manque » ou « perdus de vue » ! ! !
Spécial clin d’œil : Pour info ou rappel le 1er congrès FNAPOG a eu lieu dans cette ville les 18, 19 et 20 Septembre, organisé par Jacques LECORNU malheureusement décédé avant et relayé par son épouse Véronique, aidée par la fédération locale du Calvados.
Sources : n° spécial Histoire, sites internet et émissions TV.
NDA : Comme beaucoup de sources et témoignages des imprécisions existent dans les faits et les chiffres, mais l’événement a bien eu lieu sous une forme ou une autre.
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