Daniel Bouwet, premier sous-officier (adjudant) à être élevé au rang de Grand-Croix de la Légion d’Honneur, stade ultime de la distinction, par décret du 7 novembre 2022, en tant que déporté-résistant
Né à Lambersart le 29 mars 1926, d’un destin hors du commun, il est résistant à 17 ans, échappera à la mort dans trois camps de concentration, dans les tranchées d’Indochine et en Algérie.
La Voix du Nord du Nord du 4 décembre 2022 ↓ ↓ :
Le corps ne suit plus vraiment mais la mémoire est toujours là, les souvenirs sont intacts.
Daniel Bouwet, 96 ans, peut vous citer le nom de ses camarades d’Indochine, revoit les images de Bergen-Belsen comme si c’était hier.
Un hier d’horreur. De courage aussi. Pourtant, ce Lambersartois d’origine n’a que des mots modestes quand il s’agit de retourner sur son destin hors du commun. Un destin qu’il résumera dans un souffle agrémenté d’un sourire espiègle : « on m’appelait Trompe-la-Mort ».
Il est vrai que la mort lui a fait quelques pieds-de-nez. La première fois, c’est tout juste deux mois après être entré en résistance. Il a 17 ans à l’époque, il est capturé à la frontière espagnole par les Allemands, envoyé une première fois dans un train, le 14 décembre 1943 « ce train, il partait pour Buchenwald » se souvient Daniel dans un souffle, il parvient miraculeusement à s’évader du wagon avec neuf camarades.
Revient à Lille après avoir été caché par un boulanger dans la Marne. Retourne dans la résistance, fera dérailler des trains, participera à l’évasion d’un prisonnier. Pourquoi ? « Pour moi, c’était normal ».
Daniel sera de nouveau arrêté par les Allemands le 31 mai 1944, envoyé à la prison de Loos, condamné à mort. « Finalement c’est le train de Loos qui me sauvera cette fois ! » lance ce multi-rescapé avec une ironie inattendue. Parce que les Allemands pressés par les Alliés qui reconquièrent Lille n’auront pas le temps de mettre leur sentence à exécution et feront embarquer Daniel dans le dernier « Train de Loos » ↓↓ le 1er septembre 1944…
Direction les camps. Il en fera trois, Sachsenhausen, Neuengamme et Bergen-Belsen. Il en réchappera, il ne sait pas comment, sa vie dans les camps ne concède que des bribes. Quelques phrases lâchées par-ci par-là pour dévoiler l’horreur.
La libération du camp de Bergen-Belsen, il la raconte plus volontiers. Le trajet jusqu’à Roubaix, l’hôpital militaire et enfin le retour à la maison, chez ses parents à Lambersart le 1er mai 1945. Il pesait 35 kilos.« Je me suis retapé » lance-t-il et s’engagera trois mois plus tard dans la campagne d’Indochine. Pas le choix, il fallait bouger. Peut-être de ne plus penser à ce qui venait de se passer.
Il y restera six ans sur trois séjours. Les souvenirs pleuvent, ses camarades, l’entraide, ses forêts de bambous, les rizières, les tranchées, les bombes, les sauts en parachute, tout cela il en parle sans peine mais avec douleur quand il pense aux copains restés là-bas.
Après, ce sera l’Algérie et de cette période il ne nous parlera pas.
Il quittera l’armée en 1960, dès qu’il pourra faire valoir ses droits à la retraite.
Il ne fera pas carrière et restera sous-officier.
Il passera vingt ans comme ouvrier à la Manufacture des Tabacs de Lille. Discrètement, sans faire de bruit, sans évoquer plus qu’il ne faut cette trajectoire qui place cet homme se voulant ordinaire dans le rouage d’une vie extraordinaire. « C’est le destin, ça devait être comme ça » souffle Daniel à la fin de son récit.
Bérangère barret
↑ ↑ Le Train de Loos est un convoi de déportés, résistants et politiques, affrété le 1er septembre 1944 par les autorités d’occupation allemandes vers les camps de concentration nazis, au cours de la Seconde Guerre mondiale, deux jours avant la libération de Lille.
Avant que la Grand-Croix lui soit remise : >> Commandeur de la Légion d’Honneur – Médaillé Militaire au feu – dix citations avec Croix de Guerre – deux blessures de guerre – invalide de guerre à 100%
Terminons avec quelques photos en son honneur ↓ ↓
Source : La Voix du Nord et internet.
Nota : J’ai croisé plusieurs fois (années 2007-2011) Daniel Bouwet, au cours d’assemblées générales de l’association du Centre de Mémoire de l’Abbaye Prison de Loos, où je suis adhérent pour la mémoire de mon père, mort pour la France en ce lieu en 1940.
Serge Clay
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