Martha Desrumaux
Figure de la résistance et des luttes sociales
Martha Desrumaux, née le 18 octobre 1897 à Comines (Nord) est une figure emblématique du mouvement ouvrier et de la résistance intérieure française, où elle fut l’une des femmes résistantes les plus remarquées.
Sixième des sept enfants d’une famille pauvre, son père Florimond Desrumaux, est un employé du gaz, sa mère, très pieuse, a une jambe amputée. À 9 ans, elle perd son père, pompier volontaire écrasé lors d’une intervention par la charrette qui transporte la pompe à eau.
Elle quitte alors l’école et travaille au déchargement des betteraves pour une distillerie, puis est placée comme bonne d’enfants dans une famille bourgeoise dans la banlieue sud de Lille. Elle revient dans sa ville natale quelques mois plus tard et devient ouvrière du textile à l’usine Cousin de Comines.
Ouvrière, militante syndicale, elle s’investit durant la première moitié du siècle dans de nombreuses luttes sociales afin d’améliorer les conditions de travail et de rémunération des ouvriers, en particulier dans le Nord.
Elle s’intéresse à la politique grâce à son grand frère Émile, libre-penseur et anarcho-syndicaliste. Consciente des conditions de travail difficiles auxquelles elle est confrontée, elle adhère à la CGT à 13 ans.
À l’âge de 15 ans, elle rejoint les Jeunesses socialistes, sensible aux discours de Jean Jaurès dont elle entend des témoignages autour d’elle.
Pendant la Première Guerre mondiale, les civils et les usines sont évacués vers les zones éloignées du front. Elle part pour Lyon et trouve un emploi aux usines textiles Hassebroucq. En 1917, elle prend la direction d’ouvrières grévistes pour obtenir le retrait d’une caution logement dans leurs contrats de travail, qui empiète sur leur salaire.
C’est une première victoire pour la jeune syndicaliste, qui prend pleinement conscience du rôle du collectif dans le règlement des conflits. Elle devient membre du Parti communiste français dès 1921, juste après sa création au congrès de Tours. Lors d’une réunion à Lille, à la demande de Maurice Thorez, elle rédige un télégramme à l’attention du président de la République Gaston Doumergue, dénonçant la guerre coloniale au Maroc.
Puis elle continue à s’investir syndicalement pour aider les ouvrières du textile à s’organiser dans les usines et les ateliers, pour obtenir de meilleures conditions de travail et de meilleurs salaires. Elle crée le journal L’Ouvrière, qui permet l’information pour une meilleure défense des droits des femmes au travail. Pendant près de quinze ans, elle va être le fer de lance de grèves dans toute la région Nord-Pas-de-Calais, dans une région où le Consortium textile tente de réduire la main-d’œuvre féminine à une simple variable d’ajustement.
En 1931, elle part pour un an et demi à Moscou étudier à l’École internationale Lénine ; les rapports soviétiques notent son « intelligence », son « enthousiasme » et son « dévouement illimité pour le parti ».
C’est dans ce cadre qu’elle rencontre son futur mari, Louis Manguine, de huit ans son cadet ; ils ont un fils, Louis, né en 1937, et se marient officiellement en 1938. À son retour en France, elle intègre le bureau politique du PCF.
Son combat continue avec l’âpreté du chômage liée à la crise économique des années 1930. Pour une meilleure protection des chômeurs et l’instauration d’une assurance-chômage.
Elle va accompagner la Marche de la faim de décembre 1933, composée de chômeurs, qui reçoit un soutien populaire sur tout son parcours de Lille à Saint-Denis. Jusqu’en 1935, d’autres marches convergent vers les centres urbains. « Le mouvement des chômeurs fut un embryon des conditions d’union de la classe ouvrière », analyse-t-elle dans un entretien enregistré.
En 1936, dans le sillage de Léon Jouhaux et Léon Blum, elle devient l’une des grandes animatrices de la stratégie de Front populaire dans le Nord. Jean Renoir la repère pour jouer son propre rôle dans le film ←← « La vie est à nous », consacré à cette campagne électorale. Elle est la seule femme membre de la délégation ouvrière dont le patronat refusait jusque-là le moindre geste. Cette même année 1936, elle est aux côtés de Danielle Casanova (voir mon dossier de janvier) lors de la création de l’Union des jeunes filles de France, dont Martha prend la direction pour le Nord. C’est le pendant féminin des Jeunesses communistes, qui milite pour l’émancipation des jeunes femmes et l’égalité entre les sexes. L’année suivante, elle s’implique aussi pour aider les Républicains espagnols et faire partir les volontaires des Brigades internationales.
Menacée par la répression anti-communiste en septembre 1939, elle se réfugie en Belgique auprès de Eugen Fried.
Dès le mois de mai 1940, le Nord-Pas-de-Calais est occupé par la Wehrmacht.
Elle revient à Lille et réorganise le Parti communiste clandestinement.
Son mari est mobilisé puis prisonnier de guerre et elle n’a plus de domicile depuis une perquisition de 1939.
Fin mai 1940, elle réunit à Dechy, dans le Douaisis, une dizaine de mineurs qui élaborent un cahier de revendications imprimé par un petit imprimeur, diffusé à cinq mille exemplaires.
En juin 1940 dans la région de Lille, le groupe auquel elle appartient distribue des tracts en langue allemande et, en juillet 1940, elle évoque le projet d’une grève des mineurs. De septembre 1940 à mai 1941, plusieurs arrêts de travail et des manifestations de femmes mobilisent les
familles de mineurs du bassin minier. Du 27 mai au 9 juin 1941 ↑↑, cent mille mineurs sont en grève et la production est totalement arrêtée.
Elle devient une figure de la résistance intérieure française ou sera présentée comme telle !
Dénoncée par le préfet du Nord, (arrêté en 1945 qui se suicidera en cellule avant d’être jugé) elle est arrêtée par la Gestapo le 26 août 1941 à Lille. Mise au secret à la prison de Loos, elle est transférée dans les prisons allemandes puis déportée en mars 1942 au camp de ←← Ravensbrück. Elle y organise le soutien des plus faibles avec Geneviève de Gaulle-Anthonioz et Marie-Claude Vaillant-Couturier. Malgré les conditions de vie extrêmes, les maltraitances, les privations, les maladies, les femmes trouvent des moyens de résister à leurs geôliers en sabotant leurs outils de travail ou encore en donnant un peu d’humanité aux nouvelles arrivantes. Martha est atteinte du typhus. Elle est libérée de Ravensbrück et rapatriée par la Croix-Rouge en avril 1945.
Dès son retour, elle tient à participer à un meeting pour expliquer les horreurs du système concentrationnaire.
En 1945, elle est nommée déléguée représentante des déportés dans l’Assemblée consultative réunie par le général de Gaulle, devenant l’une des seize premières représentantes parlementaires en France. Elle est également connue pour son engagement dans la défense des droits des femmes →→, leur reconnaissance et leur émancipation dans la société.
Martha Desrumaux meurt le 30 novembre 1982, le même jour que son mari Louis Manguine, lui-même ancien métallurgiste et syndicaliste mais aussi ancien combattant.
Ils sont enterrés à Évenos (Var), où ils s’étaient retirés à la fin de leur vie.
-En tant que l’une des célèbres détenues du camp de concentration de Ravensbrück, Martha Desrumaux a été commémorée publiquement lors des célébrations de la libération au Mémorial national de Ravensbrück de la République démocratique allemande (RDA).
-En 2019, la ville de Paris honore la mémoire de Martha Desrumaux en donnant son nom à un espace vert, le jardin Martha-Desrumaux, dans le 12e arrondissement.
–Le 15 novembre 2019, au collège Matisse de Lille, a lieu l’inauguration du nouveau nom du collège, Martha Desrumaux, en présence des élus locaux, du président du département du Nord, de la rectrice de l’académie et de la petite fille de Martha Desrumaux.
-Il existe une rue Martha-Desrumaux à Évenos (Var) depuis mars 2020 et une allée Martha-Desrumaux dans le quartier Wazemmes à Lille.
-Elle fait partie des 16 femmes dont le parcours est présenté dans le cadre de l’exposition temporaire « Déportées à Ravensbrück, 1942-1945 » organisée par les Archives nationales (site de Pierrefitte-sur-Seine) du 3 février au 16 juin 2023.
-Depuis le 27 décembre 2022, un hommage est rendu à Martha Desrumaux, affichée en haut du beffroi de Comines. Une demande afin d’accéder au Panthéon accompagne l’affiche, qui restera durant un an et fait suite aux précédentes demandes de ↓↓panthéonisation auprès du président de la République.
Commentaires récents