le Républicain Lot et Garonne
« Plutôt la mort que la trahison » : la lettre inédite d’une résistante torturée à Tonneins
En ce printemps 2024, une lettre de la résistante de Tonneins, Renée Badie, a été retrouvée. Elle y raconte la torture qu’elle a subie au château de Ferron, siège de la milice.
Renée Badie, résistante de Tonneins, a raconté dans une lettre les tortures infligées par la milice dans le château de Ferron durant la Seconde Guerre mondiale. ©Transmise à la rédaction par Alain Glayroux
Par Lucie Vigué Publié le 28 Avr 24
Alors que la ville de Tonneins (Lot-et-Garonne) va célébrer les 80 ans de sa Libération en août 2024, et à quelques jours de la cérémonie du 8 mai 2024 commémorant la victoire de la France et la capitulation nazie, Le Républicain s’est penché sur l’Histoire d’un couple de résistants de Tonneins. Renée et Maxime Badie.
Si une rue de la ville porte leur nom, c’est pour que l’on se souvienne du rôle qu’ils ont eu pendant la Seconde Guerre mondiale.
Ce couple est connu pour avoir fait partie de la résistance active à Tonneins.
Récemment, un de leurs descendants, Michel Ortiz, a retrouvé dans les archives familiales qu’il conserve précieusement, une lettre de Renée Badie. Elle y raconte les tortures que la milice lui a infligées lors de son internement au Château de Ferron.
Une lettre inédite et bouleversante.
Nous avons rencontré Jean-Max Laborde, petit-fils du couple Badie, bouleversé par cette lettre.
Demeurant à Casteljaloux, il aurait aimé connaitre plus sa grand-mère résistante. « Elle est décédée quand j’avais une vingtaine d’années, mais elle ne parlait pas beaucoup de tout cela, par pudeur », cède-t-il.
Renée et Maxime Badie, deux grands résistants de Tonneins. ©Transmise à la rédaction par Alain Glayroux
Renée Badie, résistante de Tonneins, travaillait à la Seita, notamment à la fabrication des cigares, à Bordeaux. ©Transmise à la rédaction par Alain Glayroux
Renée et Maxime Badie ont eu deux filles, des jumelles, à qui l’on doit également des actes de résistance. Elles transportaient notamment des messages cachés dans le guidon de leurs vélos. ©Transmise à la rédaction par Alain Glayroux
Ce sont les recherches de son ami Alain Glairoux, historien local, et de son cousin Michel Ortiz, qu’il parle aujourd’hui avec beaucoup d’émotion de cette grand-mère, Renée, dite « La Blonde » ou « Tante Jeanne » comme on la surnommait dans le milieu de la résistance.
« Ses filles jumelles, âgées de 16 ou 18 ans, participaient en faisant passer des messages dans le guidon de leurs vélos parfois jusqu’à Seyches.
Jean-Max Laborde, petit-fils de Renée et Maxime Badie
Le couple Badie est indissociable du maquis de la Torgue. Renée Badie, membre du MUR (Mouvement d’unité de la Résistance), a résisté jusqu’à la fin de la guerre et malgré une période d’enfermement au château de Ferron occupé par la milice, à partir du 4 mars 1944. Dernièrement, un de ses descendants a retrouvé un courrier dans lequel elle raconte la torture qu’elle y a subie.
Plus de trois heures de supplice
Une lettre inédite signée de sa main, datant du 16 décembre 1950, adressée à la mairie de Tonneins. « Peut-être pour obtenir la carte d’ancien combattant et résistant, il fallait donner des preuves des actes de résistance » avance prudemment Alain Glayroux, historien.
Je savais qu’elle avait été enfermée, mais je ne savais ce qu’elle avait vécu vraiment. Lire ça, c’est émouvant, ça met les larmes aux yeux.
Jean-Max Laborde, petit-fils de Renée et Maxime Badie
Avec pudeur, Renée Badie explique comment les miliciens l’ont interrogée et menacée de la passer à la chambre de torture.
« La décision était prise, plutôt la mort que la trahison… Le 4/6 j’ai donc dû subir les plus grossiers outrages. »
Renée Badie, dans une lettre de 1950
« Ils en ont été de leur honte »
Le récit est glaçant. Renée Badie couche sur le papier la façon dont les miliciens l’ont entravée avec des menottes, mise nue, torturée avec un appareil électrique qui lui brulait tout le corps, jusqu’à son intimité… Trois heures et demie de sévices infligés par des miliciens venus exprès de Toulouse, jusqu’à ce qu’elle perde connaissance.
Malgré toute cette souffrance, elle ne dira rien de ce que voulaient savoir ses tortionnaires : « ils en ont été pour leur honte » écrit-elle.
La lettre récemment retrouvée, signée de Renée Badie, dans laquelle elle raconte la torture subie lors de son enfermement au château de Ferron en 1944. ©Transmise à la rédaction par Alain Glayroux
De cet enfer, elle réussira à s’en échapper au moment du bombardement du château de Ferron par l’armée anglaise.
Il faut avoir beaucoup de courage pour faire ce qu’elle a fait.
Alain Glayroux, admiratif
Au lendemain de la guerre, veuve, Renée Badie poursuit son œuvre et ouvre à Laparade une maison pour accueillir les enfants pupilles de la nation. « Je pense que l’assassinat de son mari l’a motivée encore plus » suppose Jean-Max Laborde. Elle part ensuite travailler à la Seita à Bordeaux.
Assassiné dans un camp en Allemagne
Le destin de son époux, Maxime Badie est tragique. Résistant de la première heure, il a été arrêté lors des funérailles d’un autre résistant, mort sous la torture, le 1er février 1944. Déporté en Allemagne, il sera assassiné, gazé, dans le camp de Neuengamme, le 9 octobre 1944.
En faisant des recherches, « on a découvert que ce camp a décidé de restituer aux familles les objets des personnes assassinées dans ce camp » explique Alain Glayroux.
De Maxime Badie, trois bijoux, dont une chevalière, ont été conservés, « ma fille et mon cousin ont l’intention d’aller les chercher » sourit, ému, Jean-Max Laborde.
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