Renée TAILLEFER, une très jeune résistante.
Tarnaise, née le 9 janvier 1927 à Montans, au sud-ouest de Gaillac Elle est la 3 ème fille de la famille. Son prénom vient du fait que son père désirait un garçon, mais la nature en ayant décidé autrement, le prénom déjà choisi fut féminisé.
Mais cela n’a pas empêché le père, maçon de métier, de l’élever comme un garçon, bien utile pour l’aider. Elle apprend la gestuelle du métier : maniement de la truelle, de l’équerre, du fil à plomb, du niveau. Faire du mortier, élever des murs. etc..
Pour ce faire Renée, porte, bien évidemment des pantalons, le maçon en jupe n’existait pas, n’existe toujours pas. Mais à cette époque porter le pantalon1 pour une fille ou une femme était mal vu, même le curé du village y a été de son sermon.
Elle aide aussi ses grands-parents agriculteurs, vignerons aux travaux des champs, de la vigne car nous sommes dans le Tarn, terre viticole.
Cette éducation rigide développe en elle rigueur, amour du travail bien fait, ténacité. Un caractère bien forgé, solide dont le père est fier. Ce père qui avait fait 14/18 dans la Somme et à Notre-Dame de Lorette (Pas de Calais), tandis que la grand-mère maternelle y avait perdu un fils.
Septembre 1939 : déclaration de guerre : invasion du nord du pays par les troupes allemandes. Fuite de nombreux français vers le Sud, zone libre. Les réfugiés parmi lesquels de nombreux juifs se retrouvent dans le Tarn en 1940, surtout à Gaillac qui accueille 2500 civils.
Après l’armistice du 22 juin 1940, la France est partagée en deux : zone Nord occupée sous administration allemande et zone Sud sous l’autorité de Vichy.
Les tarnais sont, dans leur majorité, révoltés. La Dépêche du Midi datée du 20 juin 1940 relate l’appel du 18 juin d’un certain Général de Gaulle à Londres. Vichy est autoritaire : arrestations de communistes et syndicalistes pour commencer. La milice sème la terreur si bien que certains français entrent en résistance. Sera créé le 1er réseau au Nord du Tarn, avec fabrication de faux papiers, de tracts à distribuer, collecte de renseignements, hébergements de clandestins comme les réfractaires au STO.
Parution de journaux clandestins : Combat, Libération, Franc-Tireur. A Gaillac même 3 réseaux se forment : un chez Stanislas Camus, un autre chez Roger Navarrot et un dernier chez François de Solages. Cela évoluera vers un comité de résistance fin mai 1942., afin de coordonner les actions.
1942 : l’occupant envahit aussi la Zone Sud, c’en est fini de Vichy, 700 soldats allemands s’installent à Gaillac. Les contrôles, plus stricts, s’intensifient de même que les arrestations, certaines sur dénonciation, d’où l’arrestation de Bernard Palis, de Luis Bautes, de Marie-Thérèse Dauty et de Suzanne Lacombe, deux professeurs de collège.
D’autres maquis se forment et en janvier 1943 création des MUR2. A partir de ce moment la famille Taillefer dont on connaît l’aversion pour Vichy et l’occupant s’invite chez les résistants. Au printemps le père de Renée devient actif dans le groupe « Roger » (Toinote). Mais on a besoin d’un agent de liaison, ce sera Renée, 16 ans.
Son rôle : distribuer à vélo, la nuit principalement, des tracts et journaux dans les boites aux lettres. Elle en profite pour noter : mouvements de troupe, effectifs, véhicules, heures des rondes. Sa jeunesse lui permet de passer les barrages allemands et miliciens, une si jeune fille ne peut faire de trafic. Elle continue ainsi ses contacts avec « Roger », le maquis et le QG de Gaillac.
Fin 1943, Pierre Vendeven, « alias Vendôme » officier de l’Armée de l’air, viré par Vichy, arrive à Gaillac. Il va transformer ces maquis en les rendant plus opérationnels. Il s’occupe aussi de trouver un terrain propice au parachutage près de Marssac (Tarn), qu’il propose à Londres, qui accepte.
Renée déjà bien opérationnelle devient son agent de liaison, réside chez lui rue de Verdun à Gaillac. On l’envoie chercher 4 kg d’explosifs à Técou (7 km au sud de Gaillac), mission dangereuse s’il en est.
Elle prend un grand sac, met les explosifs au fond et complète avec des prunes, beaucoup de prunes. Elle est arrêtée à Brens3, le chef de poste contrôle sa carte d’identité, jette un coup d’œil dans le sac y prélève quelques prunes qu’il déguste, il rend la carte à Renée et lui fait signe de passer…OUF.
Renée participera aux combats, mais en revêtant les habits d’homme. Elle apprend à confectionner les bombes ou autres engins. Munie de ces armements elle sabotera plusieurs fois avec ses camarades la ligne de chemin de fer Gaillac—L’Isle sur Tarn.
2 juin 1944 un message codé de la BBC annonce un parachutage d’armes à Lagrave, près de Marssac. Ces armes seront cachées en partie chez Mr Cros, l’instituteur. Mais pour plus de sécurité l’ensemble sera transporté ailleurs. C’est Renée qui assure ce transfert avec sa charrette tirée par Minou, un chat ? pas du tout , mais sa jument. Chargement un peu lourd, les armes sont dissimulées sous les sacs de ciment. Par-dessus on a jeté quelques pelles, tamis et truelles.
12 juin suivant : on attaque la prison de Gaillac, Renée est bien sûr de la partie. Quarante-quatre détenus sont libérés et répartis dans les différents maquis.
17 août 1944 : elle accompagne Georges Rousseau, le chef du Corps Franc, car 2 allemands ont été repérés près de la gare.
Chacun dispose d’un pistolet, un train arrive. Les portes des wagons s’ouvrent et Renée y aperçoit fusils et caisses de munitions surveillés par un soldat non armé. Elle braque son arme vers lui, tout en l’invitant à descendre les mains sur la tête. Georges voyant cela appelle des renforts, tend un fusil à Renée pour remplacer le pistolet. Inspection des wagons, 15 soldats se rendent et seront dirigés vers le maquis Robert à Saint-Julien. La résistance récupère tout cet arsenal. Renée se fit quand même sermonner par son chef pour son initiative dangereuse qui aurait pu mal se terminer mais en même temps il est fier d’elle.
Après la libération, Renée suivra « Vendôme » dans l’armée du Général de Lattre de Tassigny, jusqu’à la fin de la guerre où elle terminera adjudant-chef responsable de l’encadrement des FFA4. Elle y restera jusqu’en 1946.
Puis à son retour en France elle témoignera dans les établissements scolaires.
Elle fait partie de plusieurs associations, assiste aux cérémonies dont celles des 8 mai et 11 novembre.
C’est ainsi que l’active Renée MÉGE (Taillefer) honore et perpétue la mémoire des combattants du Tarn.
Elle décédera à 89 ans, le 12 février 2016. Inhumée à Montans.
Distinctions : – Citation à l’ordre de l’Armée Aérienne.
– Croix de guerre avec palme en 1945 (à 17 ans ,7 mois et 3 jours)
– Croix du combattant volontaire 39/45
– Plusieurs médailles dont celle de la Résistance et la médaille militaire (rare pour une femme)
– Chevalier de la Légion d’Honneur (2000)
Le nouveau collège de Gaillac, 2011, porte son nom.
Notes :
1°) officiellement autorisé depuis janvier 2013 (abolissant le décret de 1800, empêchant ainsi les femmes d’exercer un métier d’homme).
2°) Mouvements Unis de la Résistance.
3°) camp de réfugiés espagnols (oct 1939-nov 1940), puis pour les juifs étrangers (nov 40-mars 41), de concentration pour femmes (1942-44), et enfin d’internement pour collabos en décembre 1944 (dont 273 tarnais ! ).
4°) FFA : Forces Françaises en Allemagne.
Sources : sites internet ; La Dépêche du Midi. Photos : Archives personnelles de Renée.
Commentaires récents