Allocution radiodiffusée du Général de Gaulle

L’année 1945 entre aujourd’hui dans le passé. Elle y rejoint tant et tant d’autres années qui sont désormais, l’Histoire. S’il faut du temps pour que les évènements prennent leur relief, il n’est point besoin d’attendre pour constater que ceux de 1945 demeureront marqués pour toujours d’une extraordinaire grandeur.

 

Certes, nous fûmes, pendant ces douze mois, rudoyés sans relâche par d’âpres nécessités. Il nous fallut achever la guerre. Il nous fallut vivre aussi. Le pire fut de découvrir à mesure dans leur dure réalité toutes les pertes de substance et, par conséquent, de puissance, que nous avons dû subit. Cela ne pouvait aller sans de multiples épreuves où ce qui nous restait d’endurance et de patience était constamment mis en jeu. Mais, à travers tant de peines, la France a su bâtir.

 

En 1945, nous avons triomphé dans la guerre, occupé le Rhin, repris pied en Indochine, recouvré nos absents, repris notre équilibre intérieur, avancé d’un grand pas dans la voie du retour au travail et à la prospérité, rétabli le jeu de nos libres institutions. Nous l’avons fait sans désordres et sans déchirements. Nous l’avons fait dans l’unité française.

 

C’est avec ardeur et avec courage que nous commençons de vivre l’année 1946. Nous savons d’avance qu’elle ne nous apportera pas de miracle qui changerait soudain les convalescents que nous sommes en un peuple débordant de force et de santé. Nous savons qu’il nous reste à surmonter maints obstacles, à supporter maintes déceptions. Mais nous savons aussi que sur tous les terrains nous sommes maintenant en progrès. Nous sommes sûrs d’être chaque jour plus avancés que la veille. Dans la lutte menée par la France, qui veut se refaire plus grande et meilleure qu’autrefois malgré toutes les difficultés du dedans et du dehors, nous nous jouons nous-mêmes gagnants.

 

D’un bout à l’autre de l’Union Française, sur toutes les terres où elle s’étend dans les cinq parties du monde, que nos vœux aillent d’abord, à tous ceux et à toutes celles dont les efforts, les souffrances ou les deuils ont payé notre victoire sans laquelle rien ne vaudrait rien. Que nos vœux aillent, ensuite, à tous ceux et à toutes celles qui, par leur labeur et par leur dévouement, sont aujourd’hui les bons compagnons de notre rénovation ! Que nos vœux aillent, enfin, à tous ceux et à toutes celles que leurs mamans mettront au monde dans les douze mois prochains et qui seront la joie des foyers et l’avenir de la patrie !

 

En 1945, la France a su gagner la guerre. En 1946, elle saura gagner sa vie.

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