Mémoire
Commémorations : 2020, une année où tout le monde sera gaulliste
Jean-Dominique Merchet 01 janvier 2020 à 09h29
La nouvelle année est celle d’une triple commémoration du général De Gaulle : sa naissance en 1890, l’appel du 18 juin en 1940 et sa mort en 1970.
Les Faits.L’année 2020 sera marquée par toute une série de commémorations officielles, essentiellement autour de De Gaulle, mais également avec des déplacements du président Macron en Israël, le 23 janvier, pour le 75e anniversaire de libération des camps, et à Moscou, le 9 mai, pour le défilé de la victoire de 1945.
2020 sera l’année De Gaulle et les responsables politiques français – Emmanuel Macron au premier chef – n’échapperont pas à la tentation de s’afficher en héritiers du Général. 2020 est un triple anniversaire gaullien : les 130 ans de sa naissance le 22 novembre 1890 à Lille, les 80 ans de l’appel du 18 juin 1940 et les 50 ans de sa mort le 9 novembre 1970 à Colombey.
Le 18 juin 2020 sera un moment fort de ces commémorations au-delà de la traditionnelle cérémonie du Mont Valérien. La ville de Londres, qui avait alors accueilli le fondateur de la France Libre en 1940, devrait se voir décerner la Légion d’honneur. Pour l’anniversaire de la mort du Général, l’Elysée prévoit par ailleurs « un événement particulier » à Colombey, en novembre.
Il ne reste plus que quatre compagnons de la Libération vivants : Edgard Tupët-Thomé, Hubert Germain, Daniel Cordier et Pierre Simonet, nés en 1920 ou 1921. Le dernier d’entre eux sera inhumé dans la crypte du Mont Valérien, scellant à tout jamais l’histoire de cet ordre de chevalerie des temps modernes. Mais l’Ordre de la Libération poursuivra son activité pour « faire perdurer les valeurs et conserver la mémoire » de ces 1 038 personnes, dont six femmes.
Tourisme mémoriel. Outre Emmanuel Macron, un homme a saisi l’importance politique cette année De Gaulle : Xavier Bertrand. Le président de la région des Hauts-de-France, en rupture de LR, n’a pas renoncé à toute ambition nationale. Il s’appuie sur le fait que De Gaulle est « un enfant » du Nord : « Il est né à Lille, a passé ses vacances sur la Côte d’Opale, a fait ses classes à Arras et s’est marié à Calais », explique l’élu. En 1940, le 16 mai, le colonel De Gaulle s’est illustré à la tête de ses chars à la bataille de Montcornet, dans l’Aisne, aujourd’hui dans les Hauts-de-France. Pour mettre en musique cette année De Gaulle nordiste, Xavier Bertrand s’appuie sur Christophe Tardieu, un haut fonctionnaire de la Culture. La région en attend aussi des retombées en matière de tourisme mémoriel.
La Fondation Charles de Gaulle, désormais présidée par l’ancien ministre (LR) Hervé Gaymard, participera aussi à ces commémorations. Colloques, expositions, documentaires et publications marqueront l’année. Toutefois, la nouvelle biographie de référence de l’homme du 18 juin est parue à la rentrée dernière, sous la plume de l’historien anglais Julian Jackson De Gaulle, une certaine idée de la France (Seuil).
Mais 1940 n’est pas seulement l’année de l’appel du 18 juin, symbole de la résistance et de la future victoire. C’est aussi celle de la plus grande défaite militaire de notre pays. Au cours des 45 jours de la bataille de France de mai-juin 1940, environ 80 000 Français ont été tués, dont 60 000 militaires. Soit près de 1 800 chaque jour… « Ce sont les oubliés de l’histoire », reconnait-on à l’Elysée. Un geste pourrait être fait à leur intention, comme celui pour les morts civils de la bataille de Normandie en juin dernier.
L’Elysée souhaite en effet construire « un récit national républicain de toutes les mémoires en regardant l’histoire en face ». « Contre les identitarismes et les communautarismes », le chef de l’Etat défend « une mémoire de l’intégration républicaine » et l’année De Gaulle sera l’occasion de mettre en avant « l’esprit de résistance, la République et la Nation ».
La République, justement, fêtera le 150e anniversaire de son « rétablissement, le 4 septembre 1870, lors de la chute de Napoléon III. La guerre perdue de 1870 est sortie de la mémoire nationale et ne devrait pas donner lieu à de grandes manifestations. Toutefois, le futur maire de Paris devra réfléchir à la commémoration du 150e anniversaire de la Commune, en 2021. Avec 6 000 à 7 500 morts, selon les travaux récents, c’est le dernier épisode aussi sanglant de l’histoire de la capitale.
Panthéon. 2020 marquera aussi la fin du cycle mémoriel de la Première Guerre mondiale. Le 11 novembre, les cendres de l’écrivain Maurice Genevoix seront transférées au Panthéon, avec un an de retard sur le calendrier initialement prévu. L’honneur ainsi rendu à l’auteur de « Ceux de 14 » sera aussi l’occasion de célébrer le centième anniversaire de l’inhumation du soldat inconnu sous l’Arc de Triomphe. En revanche, la flamme n’a été allumée qu’en 1923.
Les commémorations auront une dimension internationale, avec deux événements importants. Le 23 janvier, le président Macron participera à une cérémonie au mémorial de Yad Vashem à Jérusalem (Israël) pour le 75e anniversaire de la libération des camps d’extermination. Plusieurs autres chefs d’Etat, dont Vladimir Poutine, sont attendus à un « forum mondial sur l’holocauste ». Le sujet pourrait être plus sensible qu’il ne semble l’être, car en Israël, comme chez les critiques radicaux de l’Etat juif, cette participation pourrait être interprétée comme s’inscrivant dans le récit mémoriel sioniste. L’adoption récente par l’Assemblée nationale d’un texte assimilant antisionisme et antisémitisme avait fait l’objet de polémique. Le président Macron participera à une cérémonie au Mémorial de la Shoah à Paris, mais « à ce stade », il ne devrait pas se rendre au camp d’Auschwitz-Birkenau.
Le 9 mai, le chef de l’Etat sera sur la Place Rouge à Moscou, aux côtés de Vladimir Poutine pour assister au grand défilé célébrant le 75e anniversaire de la victoire soviétique sur l’Allemagne nazie et les millions de morts de l’URSS. Cette visite, qui s’inscrit dans la politique de détente avec Moscou entreprise par Emmanuel Macron, suscite déjà des critiques en France, dans les milieux «néo-conservateurs» et «occidentalistes », hostiles à ce rapprochement avec la Russie.
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