76 ans après jour pour jour, nous vivons le calvaire de Jeanne, avec Jeanne.
Qui osera après lecture de ce récit recueilli par NEO nous dire encore que la Mort de nos Parents n’a pas la même valeur selon les circonstances de cette Mort pour que nous tous, toutes générations confondues puissions vivre Libres !
Qui osera encore mesurer le degré de nos souffrances et nous opposer les uns aux autres selon les circonstances.
J’ai eu le plaisir d’échanger avec vous Jeanne, avec votre fils, grâce à notre Ami NEO .
Non nous n’oublions pas !!!!
Nous vous adressons nos affectueuses pensées en cette période si délicate !
MERCI
Christiane Dormois
Jeanne Luciani, 88 ans
Résistante gardoise à 12 ans auprès de ses parents dans le maquis Aigoual-Cévennes, Pupille de la nation et fille de Jeanne Vigoze, Résistante fusillée, Morte pour la France nous offre son témoignage
« Je suis née le 13 avril 1932, dans mes belles Cévennes natales.
L’occupation nazie du Gard commence en novembre 1942, une petite partie de notre « Pays Rayol » s’engage dans la lutte contre l’occupant et le Régime de Vichy. Mon père, Émile Hébrard et ma mère Jeanne Hébrard née Vigoze ont accueilli pendant l’occupation des Maquisards, des jeunes du parti communiste, désormais clandestin, chez nous. Notre maison est rapidement devenue un « centre d’accueil » ! Nous leur donnons à manger, nous leur offrons une couche. Ma mère a mis notre maison à disposition du Maquis…
Je vis avec ces jeunes réfractaires et je les côtoie au quotidien… Nous entreposons également de la nourriture et des effets militaires. Mon père cache les armes et autres munitions dans une grotte près de chez nous… Le responsable a dit dans notre attestation « le nombre de Maquisards qui y ont été hébergés est innombrable… » Parmi nos « pensionnaires figurent des noms connus de la Résistance… J’ai été mise à 12 ans en contact avec eux au quotidien. Notre maison, à Horts, devient un pilier du Maquis Aigoual-Cévennes, un des réseaux les plus influents dans le Gard. J’aide ma mère à s’occuper d’eux, à les nourrir, les blanchir, les loger. Parmi ces hommes, des stricts anonymes comme des lieutenants ! Nous formons un groupe très actif
Le maire d’une commune environnante cache chez lui des Juifs.
Sa fille leur fait des fausses cartes d’identité. Il est dénoncé.
Un jour, les Allemands viennent le voir.
L’un d’eux lui dit » Choisissez l’arbre sur lequel vous voulez être pendu ! »… L’homme choisit un arbre au hasard mais heureusement pour lui, un gendarme du village les retient car le maire est père de six enfants… Il s’en est fallu de peu…
Quatre maquisards cachés par la famille Hébrard…
L’histoire du maquis Aigoual-Cévenne a été traversé de tragédies…
A la Parade, « sur le chemin de l’exode, un incendie retarde le maquis dit de « Bir-Hakeim ».
Les rapports allemands parlent d’un camion qui avec des terroristes s’est dirigé de Meyrueis sur Sainte-Enimie. Les miliciens arrêtent les maquisards qui se dispersent.
Les forces de Bir-Hakeim arrivent avec difficulté à la Parade le samedi.
Dans le plus grand secret, les Allemands encerclent le hameau et attaquent, aidés de la milice.
Les maquisards se défendent comme ils le peuvent, avec le peu de matériel qu’ils ont.
Atteint par une rafale, le chef a eu le temps de crier « Vive la France » pendant qu’il meurt…
Le Maquis Aigoual-Cévenne : fruit du sang et des larmes de centaines de Gardois
Notre maquis est l’œuvre de plusieurs femmes et hommes investis pour la France et ses valeurs républicaines, dont Robert FRANCISQUE.
Né à Saigon, il a en partie fondé le maquis dont notre famille fait partie et en est devenu le chef.
Dénoncé, ils l’ont retrouvé, lui ont demandé de baisser son pantalon pour qu’il ne s’échappe pas puis ils l’ont fusillé sommairement.
Chaque est un jour gagné. Tous les jours, le risque d’une arrestation est un peu plus probable.
Alors que les beaux jours éclairent les Cévennes, l’atmosphère devient anxiogène. La voisine d’un village voisin, accourt aux Horts prévenir mon père d’un danger « imminent »…
Cette dernière tient la cabine téléphonique et a eu vent d’une future descente de la Gestapo. En voyant mon père, elle s’écrie « Émile, Émile, cachez-vous ! Partez le plus vite possible ! »
Mes parents rassemblent quelques affaires à la volée, on « m’expédie » en urgence vers les bois, en direction du bosquet voisin.
Je cours, les larmes coulent toutes seules, descendent le long de ma joue lorsque je pense à ce qu’il risque d’advenir.
Quelques minutes après, la Gestapo, accompagnée d’un salaud entrent aux Horts.
Il est trop tard. Les autorités allemandes rentrent partout et occupent rapidement toutes les pièces.
Des quelques jeunes encore présents sur place, plusieurs sont déjà morts.
C’est un certain Roland SIMO qui nous a dénoncé. Ancien du Maquis du Mercou, il l’avait quitté pour rejoindre… la SS allemande à Alès, pour nous prendre de travers !
Il emmène les SS à Mercou puis aux Horts jusqu’à notre domicile, pour pousser le vice à son paroxysme.
Les mains en l’air, mon père se rend.
Ma mère, assise sur une chaise dans la table centrale est exécutée à bout portant, sans autre forme de procès… devant les enfants.
Ayant eu le temps de rejoindre une tante, je vois depuis la fenêtre une voisine au bord des larmes, paniquée, accourir à la porte. Je m’effondre…
Maman est « Morte pour la France ».
Ce 12 Mai 1944, j’ai 12 ans et 1 mois.
Parmi les jeunes arrêtés, certains sont déportés, d’autres exécutés.
Quelle chance inouïe ai-je eu, à quelques minutes près, je serais auprès de Maman dans le caveau familial.
La vie reprend son rythme, mais pas pour nous. !!!!!!!!!
La Libération approche et le 6 juin signifie pour tous le déclenchement de nombreux actes dits de « harcèlement » sur les routes gardoises en août, peut-être une vingtaine de coups de main importants sont réalisés par mes camarades.
Le Lieutenant MARCHAL, adjoint départemental de la Résistance s’est un temps réfugié chez nous.
Il est à ce moment-là adjoint à VILLAS chef du Maquis dont nous faisons partie et il se rend régulièrement à Losalle pour visiter le Maquis de Rascolou.
C’est par son intermédiaire qu’il a rencontré mon père. Il a dit dans notre attestation de Résistance, à propos de notre famille :
« J’ai beaucoup voyagé ces quatre années de Résistance mais je vais vous confier que je n’ai que très rarement rencontré une famille aussi dévouée que les Hébrard… »
Les années défilent, mais l’image du corps de Maman ne me quitte pas, m’obsède et m’affaiblit.
Je suis reconnue « pupille de la nation ».
Pas le temps de laisser quelques larmes couler, la guerre est finie depuis quelques années maintenant. Dans une France des années 1950 qui veut oublier les crimes de l’État français et la collaboration, mieux vaut oublier, ou du moins feindre d’oublier car jamais ces images ne nous quitteront « . Jamais. » !!!!!!!!!!!!!!!!
JEANNE
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