Discours de Geneviève Darrieussecq, Commémoration de la bataille de Vrigne-Meuse et hommage aux dernier soldats morts pour la France.
Mise à jour  : 20/11/2018
Monsieur le sous-préfet,
Monsieur le maire de Vrigne-Meuse,
Mesdames et messieurs les élus,
Monsieur le délégué militaire départemental, colonel,
Mesdames et messieurs, chers enfants,
 
Quatre années d’un interminable affrontement, d’un déluge de feu et d’acier ! C’est ce qui sépare le caporal Jules PEUGEOT, tué le 2 août 1914, d’Augustin TREBUCHON, tué le 11 novembre 1918.
1,4 million de morts pour la France ! C’est la cohorte du sacrifice qui s’achève dans ce carré militaire du cimetière de Vrigne-Meuse.
Les 18 morts du 415ème régiment d’infanterie, qui reposent ici, sont parmi les derniers morts français tombés sur le sol national au cours de la Première Guerre mondiale.
Des rives de la Meuse au sommet du Signal de l’Epine, des abords de la voie ferrée au cœur des villages de Dom-le-Mesnil et de Vrigne-Meuse, ce théâtre fut celui de la fin de la Grande Guerre. Lorsqu’à 11h, le 11 novembre 1918, le soldat Octave DELALUQUE s’extirpe de son trou d’obus et saisit son clairon, il fait sonner des notes oubliées. Celles du cessez-le-feu. Celles de la fin du dernier des combats.
Sortant, là de leurs tranchées, ici de leur trou individuel, quittant leurs positions, Français et Allemands se font face sans chercher à s’entretuer.
Toute chose qui, quelques minutes auparavant, était impossible sur cet ultime champ de bataille. Le sort d’Augustin TREBUCHON en témoigne.
Mesdames et messieurs, au nom du Gouvernement et du ministère des Armées, je viens adresser l’hommage de la France aux combattants de la bataille de Vrigne-Meuse, aux héros du 145ème régiment d’infanterie et aux derniers morts de la Grande Guerre.
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« Au cinquante-deuxième mois d’une guerre sans précédent dans l’Histoire, l’armée française, avec l’aide de ses alliés, a consommé la défaite de l’ennemi ». Ce célèbre communiqué du 11 novembre annonçant l’armistice a très longtemps masqué un autre communiqué du même jour et tout aussi officiel : « A la suite de durs combats, nous avons forcé les passages de la Meuse entre Vrigne et Lûmes ».
Ce dernier message rendait compte d’un fait d’arme mémorable.
Le 9 novembre, alors que les négociations en vue de l’armistice ont débuté entre le général FOCH et les plénipotentiaires allemands, la 163ème division d’infanterie reçoit l’ordre de franchir la Meuse, d’occuper le village de Vrigne et les hauteurs du Signal de l’Epine.
Il y a cent ans, les conditions climatiques étaient sévères, le froid vif et le fleuve tumultueux. Bien que fatigués par la centaine de kilomètres parcourus en quelques jours, harassés par quatre années de guerre, les hommes sont sortis de leur repos et ont rassemblé leur courage et leur bravoure. Dans la nuit, ils se sont portés sur la rive. Les ponts sont détruits, le passage s’est fait sur une passerelle de planches.
Ainsi, au matin du 10 novembre, plusieurs centaines d’hommes sous le commandement de Charles de MENDITTE, ont établi une tête de pont.
Lorsque le brouillard se dissipe et lève le voile sur la scène, le dernier acte de la guerre débute.
Les hommes du 415ème sont sous le feu ennemi et se voient interdire tout mouvement de repli ou tout espoir de renfort. La contre-attaque allemande est furieuse. L’artillerie se déchaine, les mitrailleuses crépitent, les balles sifflent.
Sur près de trois kilomètres, le demi-millier de poilus établis sur la rive nord de la Meuse se retranche derrière la voie ferrée.
Tenir ! Tenir coûte que coûte ! Tenir pour vivre ! Tenir pour voir la victoire !
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Le 11 novembre au petit matin, par un temps humide et glacial, une rumeur parcourt le front. A 8h30, la rumeur devient bruit, le bruit devient information : l’armistice est signé, il s’applique à 11h.
Pourtant, ce bruit ne couvre pas celui des armes. Les mitrailleuses tirent toujours et les obus allemands tombent encore sur Dom-le-Mesnil.
La guerre fait ces derniers morts, les armes fauchent une dernière fois. Le matin du 11 novembre fait son lot de victimes. Des soldats qui avaient survécu à des mois de conflits n’ont pu voir cet après-midi sans feu.
Au cours des journées du 9, 10 et 11 novembre 1918, la 163ème division d’infanterie a perdu une centaine d’hommes et près de 200 soldats sont blessés. Ces pertes importantes illustrent l’acharnement des derniers combats qui ont eu lieu sur la colline et aux abords de la voie ferrée.
Ces pertes étaient les dernières sur le sol français.
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La France est reconnaissante aux braves de la 163ème division.
Elle rend les honneurs au 415ème régiment d’infanterie qui, de la Champagne à Verdun en passant par les Vosges, a porté avec vaillance les couleurs de notre drapeau.
La Nation salue la mémoire de ces soldats qui, dans les dernières minutes du conflit, ont fait la preuve de leur audace, de leur esprit de sacrifice et de leur résistance physique comme morale.
Mesdames et messieurs, cet épisode mérite de demeurer dans la mémoire collective des Français.
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Lorsqu’une estafette s’élance en direction des avant-postes portant un message sur le ravitaillement, la Grande Guerre vit ses dernières minutes. Le soldat TREBUCHON aussi. Il s’effondre le crâne fracassé par une balle de mitrailleuse.
Il avait 40 ans et combattait depuis 1914. Il avait participé à toutes les grandes offensives et aux batailles les plus sanglantes : La Marne, Verdun, le Chemin des Dames… Il ne revit jamais sa Lozère natale, le petit village de Montchabrier. Le Premier ministre et moi-même y étions, il y a quelques jours, pour lui rendre hommage.
Augustin TREBUCHON est le symbole d’une guerre implacable. Il est l’emblème des derniers morts.
Son sacrifice est profondément inscrit dans les mémoires et les cœurs de Vrigne-Meuse. Il l’est dans celui de chaque Français.
Par son souvenir, c’est la mémoire de tous nos soldats que nous transmettons.
Cent ans après, ces sacrifices nous obligent. Ils ne doivent pas être vains. Continuons à bâtir des ponts entre les nations et à construire la paix.
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Le Président de la République a annoncé, hier, la panthéonisation de Maurice GENEVOIX. Dans le sillage de l’auteur de Ceux de 14, c’est tous les poilus qui sont honorés, c’est toute une nation mobilisée entre 1914 et 1918 qui entrera au Panthéon.
Parmi ces millions d’hommes anonymes figurent les héros de Vrigne-Meuse qui ont poursuivi, avec une abnégation sans faille et une solidarité à toute épreuve, la lutte jusqu’à son terme et cela même lorsque l’aboutissement était si proche.
Plus que jamais, l’inscription du monument dédié à la 163ème division prend tout son sens.
Plus que jamais, « le vrai tombeau des morts, c’est le cœur des vivants. »
 
Vive la République !
Vive la France !

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