Désiré DAJON-LAMARRE passeur de mémoire d’Ouistreham

             

Ouistreham dans le Calvados, station balnéaire, ses nombreuses villas, ses plages, tout cela c‘était avant 1942. Le mur de l’atlantique va transformer ces paysages. Les plages verront se construire 80 «bunkers » en béton à la place de 123 villas rasées pour la cause.

6 juin 1944 : plage de « Sword Beach » des troupes anglaises, mais aussi françaises dont celle du commando Kieffer en prennent possession.

 Déroulé de cette journée.

Un témoin a vécu ces moments à la fois dramatiques mais pleins d’espoir, c’est Désiré qui du haut, pas tout à fait, de ses 12 ans était aux premières loges, dangereuses toutefois.

Né le 23 décembre 1931, il habitait Ouistreham, route de Lion-sur-Mer, fréquentait l’école. Le 18 juin 1940, il en sort pour rejoindre sa mère qui réside chez sa grand-mère par sécurité et éloignée du centre-ville Il s’aperçoit que des troupes allemandes occupent la ville, sa maîtresse s’en était aperçu mais n’en avait soufflé mot. Il est jeune cette situation n’évoque que peu de choses en lui.

Prêt à faire ses devoirs, mère-grand n’oublie pas de le lui rappeler il s’installe à la table. Il effectue son travail, jette un coup d’œil par la fenêtre. Qu’aperçoit-il ? un side-car occupait par 2 soldats allemands, le passager descend mitraillette en bandoulière, se dirige vers l’épicerie voisine de la maison. Danger, non, rien de particulier, c’était sans doute pour se ravitailler gratuitement bien sûr.

  Avec sa trousse d’écolier conservée (photo RCF Manche)

La situation oblige le maire, à réquisitionner des logements pour l’occupant.

Le 19 juin 1943, décision prise de de fermer les écoles et en mars 1944 d’envoyer les enfants à Saint-Germain-de-Livet. Sa grand-mère refuse, sa mère aussi, elle n’a déjà plus son père, ni son frère et un oncle prisonnier, elle veut garder son fils.

La vie est difficile : tickets de rationnement, cartes d’alimentation, queue aux magasins souvent démunis. L’occupant réquisitionne même des enfants pour récupérer des doryphores et cueillir les fruits des arbousiers dont ils feront de la confiture. Par bonheur, si l’on peut dire, derrière la maison à l’écart de la ville., il y a un petit potager qui leur apporte ce dont ils ont besoin, en plus de cela poules et lapins sont aussi présents, mais il faut quand même aller ramasser de quoi les nourrir : de la luzerne. Les devoirs se font à la lampe « pigeon1» car d’électricité il n’y a pas.

Des bombardements ont lieu début juin, des tracts américains sont largués avertissant la population de prévoir un abri, de l’avancée des alliés (il en a gardé un exemplaire) la famille va parfois dans la cave. Le 1er juin Désiré a été blessé à la jambe et à la main car proche de l’explosion d’une bombe

6 juin 1944 : 5 heures, de sourds grondements réveillent la famille, le voisin qui avait fait 14/18 les invite dans son abri, celui-ci cède. Accès à un petit refuge, proche d’un tas de fumier, incommodés par l’odeur, ils partent plus loin, bien leur en a pris une bombe est tombée dessus.

Ce sont des bombes de 6 tonnes, incendiaires, explosives, soufflantes à tel point qu’une de ses tantes a retrouvé la charpente de sa maison sur le terrain d’en face.  L’après-midi de nombreux parachutistes anglais arrivent. Devant la maison. Désiré voit se rassembler nombre de ces hommes, mais il a aussi des Français, le commando Kieffer.

16 juin 1944 : des résistants enlèvent les rails du tramway qui relie la ville à Caen, beaucoup de soldats anglais sont arrivés, sa mère leur lave le linge si besoin. Un avion large une bombe, 4 soldats anglais sont tués, un cinquième est blessé, la famille s’en occupe. Son fils m’a remercié après la guerre.

Des soldats US passent aussi, non s’en distribuer chewing-gum, bonbons, chocolat dont ils étaient privés, hors chewing-gum. Les gens exprimaient leur joie et criaient « nous sommes libérés ».

Il est surprenant que certains allemands2 aient effectué les mêmes gestes : oranges, bonbons.

Octobre 1944 : Désiré raconte : l’école reprend mais les effectifs ont baissé. Le directeur énumère les noms de tous nos camarades disparus, beaucoup d’entre nous ont pleuré.

 Désiré et sa petite-fille Léa (Photo Ouest-France)

J’ai besoin de transmettre ces faits pour que la jeunesse les connaisse car les livres d’histoire n’effleurent que cette période et surtout pour éviter que cela ne recommence. Et je suis heureux de m’exprimer ainsi tellement j’en ai été marqué. Cela fait 25 ans que j’accompli avec passion ces rencontres avec le milieu scolaire, comme avec les écoliers de Lion-sur-Mer le 30 mars 2024, accompagné de Stéphane Simonet historien.

Il réside toujours dans cette maison avec son épouse Janine

                   Désiré et son épouse Jane avec une photo de la rentrée 1944 (photo Ouest-France)

 Notes 

1°) Rien à voir avec le volatile, simplement du nom de son inventeur, Charles PIGEON, lampe fonctionnant à l’essence minérale (white-Spirit /térébenthine)

2°) NDLR : j’ai personnellement vécu cette situation, on m’a expliqué par la suite que les vieux soldats allemands n’étaient pas vraiment des « guerriers » on les avait envoyés là.

Sources : divers sites internet. Podcast audio.

Aller au contenu principal