Louise De BETTIGNIES l’espionne qui venait du….Nord
Saint-Amand les Eaux, en ce 15 juillet 1880 la petite Louise vient rejoindre ses 7 frères et sœurs, elle sera même l’avant dernière de la famille De BETTIGNIES.
Cette dernière est originaire de Tournai en Belgique, le grand-père sera naturalisé Français en 1831. Le père a repris la manufacture familiale de porcelaine et de faïence fondée en 1751.
Louise, bien que limitée financièrement, fait ses études secondaires chez les sœurs du Sacré Cœur de Valenciennes. C’est une jeune fille blonde, frêle, aux yeux expressifs, intelligente aux dires de ses amies ou cousine germaine
En 1895 elle réside avec ses parents au 166 rue d’Isly à Lille.
Continue ses études en Angleterre où elle se rend en 1898 chez les Ursulines d’Upton, puis à Wimbledon pour les terminer à Oxford.
En avril 1903 son père décède et elle revient donc à Lille où elle s’inscrit à l’université en 1906 pour compléter son cursus. Polyglotte, elle pratique couramment l’anglais, bien sûr, mais aussi l’allemand et l’italien puis un peu l’espagnol, le tchèque et le russe. Un véritable florilège de langues pour les voyages.
Elle trouve un emploi de préceptrice chez une famille de Pierrefonds (Oise) puis se dirige en Italie chez le comte Giuseppe Visconti1 de Modrone à Milan. Elle en profite pour visiter le pays.
Continuera son périple de préceptrice par la Galicie autrichienne (Ukraine maintenant) chez le comte Mickiewski en 1911 à Lviv (actuel), puis en 1912 chez Fürst Carl Schawrzenberg en bohème du sud. Nouveau départ chez la princesse Elvira de Bavière en Autriche Hongrie où elle rencontre le konprinz (prince héritier) Rupprecht de Bavière (il est le dernier) qui lui propose la garde des enfants de l’Archiduc François Ferdinand (héritier du trône d’Autriche), mais elle refuse et revient chez elle au début de 1914.
A la déclaration de guerre elle vit à Wissan2, très catholique (ses études, frère curé et sœur religieuse) elle veut devenir carmélite.
Le 1er avril 1914 Lille est déclarée ville ouverte3. La Wehrmacht en prend possession. Etat major et troupes quittent Lille.
Louise revient vivre avec sa sœur Germaine (Houzet) au 166 rue d’Isly à Lille. Elles sont engagées comme infirmières par une amie Germaine Feron-Vrau créatrice de l’hôpital de la Croix Rouge. Louise a 34 ans, elle ravitaille en nourritures et munitions les quelques soldats restés sur place. Rédige aussi des lettres en anglais ou allemand pour les familles des soldats mourants.
L’évêque du diocèse lillois Mgr Alexis-Armand Charost lui demande d’aller en zone libre porter des lettres à destination de civils qui y sont réfugiés. Le père Boulangé la surnomme « la Jeanne d’Arc du Nord ». Les anglais l’affubleront de « Queen of spies »
Arrivée en gare de Péronne (Somme) elle est arrêtée, mais un officier Rupprecht de Bavière la reconnaît et lui délivre un laisser passer.
Voyage beaucoup, Belgique, Pays-Bas, Angleterre où elle arrive à Folkestone. Surprise, elle est interrogée par la police qui découvre qui elle est. Les services secrets britanniques, notamment le Foreign Office, impressionnés par ses compétences linguistiques lui proposent de devenir un de leurs agents de renseignement. Elle accepte et fait un stage sur place. Elle sera alias « Alice Dubois » travaillant pour une société import-export basée en France, zone libre. Son frère Henri, curé depuis 1892, lui procurera les papiers idoines.
Part en zone occupée, où avec une amie roubaisienne, Léonie Vanhoutte « alias Charlotte Lameron » elles organisent le réseau Ramble afin de renseigner l’IS (Intelligence Service) et l’armée britannique. Elles utilisent entre 80 et 100 personnes de la région allant du garde barrière, cheminots, chefs de gare aux résistants locaux pour obtenir un maximum d’informations. Est centralisé tout ce qui concerne la Wehrmacht, puis transmis via Dame Blanche, réseau belge vers les Pays-Bas (neutres) pour la destination finale anglaise.
S’occupent aussi des passages frontières, hébergement, mouvement des trains de troupes, de courriers etc..
L’essentiel est reporté sur une carte avec repérages des nouvelles batteries ennemies installées et ….bombardées la semaine suivante d’où ..l’interrogation du commandement allemand.
Une fois par mois Alice se rend via la Belgique à Folkestone pour délivrer des messages codés, dissimulés sous diverses formes ou astuces.
Alice apprend que le train du kaiser Guillaume II, en visite secrète, sera à telle gare, à telle heure, elle transmet. Deux avions britanniques viennent le bombarder mais ratent de peu leur cible, mais c’est un échec.
Elle envoie un message, sans doute le dernier, d’une probable attaque allemande au début de 1914 sur Verdun au QG français qui n’y croît pas ! ! !
Leurs actions deviennent de plus en plus difficiles et moins sûres. Et le 24 septembre 1915 Léonie Vanhoutte est arrêtée dans sa pension de famille « les Adriatiques »
Le 20 octobre suivant Alice part en Angleterre avec du courrier en partie dissimulé. Mais près de Tournai, au poste de Froyennes, les allemands fouillent toutes les femmes. Alice a le temps de récupérer un message puis de l’avaler discrètement. Pas tout à fait car un soldat a remarqué ce fait. On l’arrête, elle refuse de prendre un vomitif et de parler. Elle est frappée à coups de crosse de fusil sur la poitrine. Est arrêté en même temps Georges de Saever qui l’accompagne avec sa voiture. Peut-être a-t-elle était trahie par une personne de son réseau.
Elle est incarcérée à la prison Saint-Gilles de Bruxelles. Condamnée à mort le 16 mars 1915 pour trahison. Son amie Vanhoutte écope de 15 ans de travaux forcés.
Heureusement sa peine de mort est commuée en travaux forcés à perpétuité par le général von Bissing gouverneur de Belgique.
Toutes les deux, qui affirment ne pas se connaître, iront dans la forteresse de Siegburg près de Cologne. Louise résiste à sa façon, refusant ou ralentissant le travail pour l’armement de la Wehrmacht.
Résultat : mise au cachot. Louise y mourra le 27 septembre 1918 (des séquelles des coups reçus lors de son arrestation et de son séjour en cachot humide) , 3 ans après son arrivée. Quant à Léonie Vanhoutte elle sera libérée quelque temps après.
Distinctions : Morte pour la France.
Croix de chevalier de la Légion d’honneur.
Croix de guerre 14/18.
Citée à l’ordre de l’armée le 20 avril 1916 par le Général Joffre
Military Cross et officier de l’empire britannique par Georges V en 1919.
Son corps est rapatrié en février 1920 et inhumé le 16 mars suivant à Saint-Amand les Eaux dans le caveau familial.
Une plaque est apposée à Foyennes sur le mur du café « Au canon d’or » où elle fut arrêtée, une autre à la prison Saint-Gilles et enfin un monument en novembre 1927 sur le boulevard Carnot à Lille.
Quant à Léonie elle aura la Croix de guerre 14/18 en 1919.l
Livres entre autres : « réseau Alice » par Kate Quinn,
Louise de Bettignies espionne et héroïne de la grande guerre par Chantal Antier.
Notes :
1°) il est le père de Luchino Visconti le réalisateur de cinéma. Est aussi au Conseil d’administration de la Scala de Milan et président du club de football Inter de Milan (1879-1941).
2°) sur la cote d’opale entre Cap Gris-Nez et Cap Blanc-Nez.
3°) ville laissée à l’ennemi sans combat, après accords entre belligérants. Evite dégâts, destruction et ruines.
NDLR : mon récit ne cite que l’essentiel de la vie détournée de Louise de Bettignies, on pourrait, on peut ajouter moult détails afférents à chaque action entreprise : son but, les moyens les plus efficaces mais discrets, le scénario envisagé, son impact immédiat, le résultat attendu, la mise en œuvre etc.
Sources : divers sites internet
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