Paul MILLER la courageuse épopée d’un pilote US en 1944, dans les Pyrénées.
4 mars 1944, pilote de l’USAF, Paul MILLER revient à bord de son P38 Lightning1 d’une mission vers Bordeaux, qui était d’escorter et de défendre les bombardiers B24. Un problème survient, plus assez de carburant pour rentrer en Angleterre.
A son actif il a 96 missions contre les Japonais pendant la guerre du Pacifique, a échappé de peu à la capture lors d’une mission
Attaqué par des chasseurs allemands les FW 190, il se défend, est poursuivi par l’un d’entre eux qui le mitraille. Touché il n’est plus opérationnel et quitte son escadrille. Peu après son avion a des ratés moteurs, ses réservoirs sont vides indique la jauge. Ils ont été percés lors de l’affrontement avec les FW (Focke-Wulf)
Son « group leader » lui ordonne de prendre le cap 180° et d’y rester le plus longtemps possible. En panne et pour éviter le crash, qui peut s’avérer dangereux, il est obligé de vite atterrir, ce qu’il fait à ESCOS (Pyrénées Atlantiques) sans problème.
Auparavant il a mis hors de service son transpondeur IFF2. Aussitôt posé il se détache et quitte son cockpit pour échapper aux patrouilles allemandes qui ont certainement suivi son exercice. Il tente de mettre le feu à son avion en tirant un coup de pistolet dans les réservoirs, peine perdue rien ne se produit, mais l’appareil très abimé ne profitera pas à l’ennemi.
Des villageois curieux arrivant, il demande de l’aide à l’un d’eux qui lui répond de se diriger vers le sud, pour éviter les patrouilles allemandes. Il part à pied vers l’Espagne telle est la consigne dans ce cas.
Il suit le conseil donné, longe un ruisseau (peut-être l’Echurgi), le traverse en sautant de pierre en pierre et prend pied sur l’autre berge. En face un village, quelle aubaine, il ne doit pas y avoir d’allemands selon lui. Fausse idée au 1er carrefour, caché per la végétation il aperçoit 3 aviateurs de la Luftwaffe. Il fait ½ tour et reprend son cheminement le long du ruisseau, traverse une voie ferrée et se retrouve dans un champ où un paysan travaille. Toujours en tenue de vol il se fait quelque peu comprendre et ce brave agriculteur le conduit à la ferme JAUREGIA près du village de LABETS-BISCAY. On le fait manger et on lui donne des vêtements civils qu’il paye bien que le fermier ne le voulut pas.
Il repart, effectue quelques km (3,5) et arrive à AMENDIEUX (ONEIX), entre dans l’église pour s’y reposer et se cacher. Il en ressort 1 h ½ après, reprend sa marche, arrive devant une ferme la « Jauberria » de la famille IDIART. Il frappe à la porte, on lui ouvre et le fait entrer. Il tente de s’expliquer mais dans la région la langue anglaise n’est pas utilisée, ici c’est plutôt le basque ou l’occitan, le patois plus généralement. Que faire ? La fermière dit s’absenter un moment, elle disparaît et revient peu de temps après accompagnée de Mr LEHIDEUX anglophone.
La situation s’améliore, Paul demande à ce qu’on lui apprenne quelques mots de français les plus courants, la position de l’ennemi et la route qu’il lui faut suivre. A l’aide d’une carte le chemin est défini. Un repas lui a été offert, il repart avec quelques provisions pain et œufs accompagné par 3 jeunes du village pour un petit bout de chemin vers une ferme « la Gainborda » qu’on lui a indiquée distante de 10 km, au village de BEYRIE-sur-JOYEUSE..
Il s’y arrête donc, on lui offre un lit pour qu’il se repose. Il s’endort jusqu’au lendemain 14 h, tellement il était fatigué.
5 mars : bien reposé notre pilote prend le départ d’une nouvelle étape de 25 km. Trouve une ferme où il s’arrête, mais les occupants acceptent mal sa venue et disent n’avoir pas assez de nourriture pour lui en céder un peu. Quel mensonge ! Paul distingue par la porte de la cuisine légèrement entr’ouverte une table bien garnie. Il a remarqué que souvent on lui tourne le dos dès qu’il arrive. Il quitte rapidement ces lieux et ses occupants inhospitaliers et continue jusqu’à la prochaine ferme à l’accueil plus chaleureux, et où on lui offre le repas et la nuit. Il y restera même toute la journée du lendemain, toujours fatigué.
7 mars : tôt le matin, il regarde sa carte et reprend sa route avec quelques provisions. Il arrive à LACARRE où on lui signale qu’une patrouille allemande contrôle tout le monde. Il continue avec précautions, arrive à HOSTA où il ne s’arrête pas, car même le curé ne peut l’aider. Poursuivant son chemin à travers champs ou routes il finit par arriver au hameau d’ ESTERENGUIBEL près d’Esterençuby proche de la frontière avec l’Espagne. Il est accueilli dans la ferme de la famille GAZTANAGA.
Ici la communication est facile, le père de famille a travaillé une dizaine d’années aux USA. Il est invité à passer à table et à se reposer mais dans la grange attenante, car les patrouilles et visites allemandes sont fréquentes. Il dort donc, camouflé, dans le foin mais la nuit a été pénible car le froid s’est invité…il a neigé durant la nuit. Il est resté sur place toute la journée. A 15 h départ avec Martin 20 ans, le fils de la maison, il laisse en dédommagement sa montre et quelques livres….sterling et prennent la direction de l’Espagne.
Ils suivent un itinéraire fait de routes, de chemins de montagne et le 10 mars à 22 h ils passent la frontière puis arrivent au lac d’IRABIA à 835 m d’altitude. Mais très fatigué Paul MILLER a un malaise, il s’écroule. Martin creuse un trou dans la neige, l’y met et le recouvre de branches. Puis il part chercher du secours à l’endroit prévu pour le rendez-vous chez LORENZO à ORBAÏCETA (Orbaizeta en basque).
En entrant il remarque que 4 autres fuyards sont aussi arrivés, parmi lesquels 2 Français, l’un est d’Hasparen, l’autre est un médecin. Martin leur raconte leur mésaventure et le besoin d’aller rechercher Paul. Ils partent à trois, arrivés où se trouve Paul, qui a repris ses esprits, ils le prennent en charge et reviennent chez LORENZO. Le médecin fuyard soigne Paul dont le pied gauche a des engelures.
Paul restera dans cette planque jusqu’au 21 mars, le temps de se refaire une santé, de guérir. Et enfin ce sera le retour en Angleterre.
John MILLER l’un de ses 4 fils va refaire le périple de son père, périple reconstitué grâce à une association toulousaine « AEROCHERCHE3 » qui a travaillé sur ce cas. A l’aide de témoignages, de recherches sur forums et sites, de documents rassemblés, de livres le parcours de Paul MILLER a été retracé.
Cette histoire a aussi été enrichie grâce aux souvenirs de Léon qui n’avait que 4 ans à ce moment. Il avait aperçu la chute de l’avion, l’a retrouvé. Il est monté dans le cockpit, a été impressionné par les cadrans encore allumés. Cet atterrissage lui était resté ancré dans sa mémoire de petit garçon.
Avec ce témoignage ajouté à ceux que possèdent déjà « AEROCHERCHE » le but recherché est atteint.
Le 5 mars dernier John, averti des travaux de cette association, a été reçu par les membres de cette dernière sur le lieu même où son père Paul a atterri à ESCOS donc. Il a rencontré Léon, 82 ans, ils bavarderont un long moment afin d’égrener tout ce dont Léon se souvient.
Ensuite on le conduira dans la maison, la ferme où son père a trouvé refuge. Puis terminera par une partie du parcours emprunté par son père, guidé par le neveu de Martin GAZTANAGA qui avait déjà accompagné son père.
D’autres témoins : Jeanne IDIART d’Amendeuix 11 ans à ce moment là et bien sûr Martin GAZTANAGA4
Sources : info sur média. Divers sites internet. Archives US, NARA n° 561.
Livre « au péril de leur vie. La fuite de la vallée de Garazi sous l’occupation allemande 1940-44 » d’Etxarren LOHIGORRI Jean-Baptiste.2017.
Notes :
1°) l’avion de Saint-Exupéry.
2°) IFF.. « Identification Foe or Friend » (ennemi ou ami).
3°) fait revivre tout ce qui est commun à l’aviation : avions, pilotes, navigants. En collectant documents, restes d’avions etc……..puis dans le cas présent recherche les descendants de ces hommes qui ont participé à une aventure…parfois oubliée. L’association sise à Blagnac, appelle cela « l’archéologie aéronautique ».
4°) vous avez certainement remarqué que la plupart des noms sont basques. Nous sommes aussi dans l’ancienne province de Navarre (Nafarroa).
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