Le Républicain Lorrain
PATRIMOINE Saint-Avold : se souvenir des incorporés de force
Afin de lever, en partie, le voile sur le destin de ces Mosellans et Alsaciens incorporés de force dans l’armée allemande, la Société d’histoire du Pays naborien a planché sur le sujet avec Cédric Neveu.
Cédric Neveu (à gauche), historien normand spécialisé dans l’histoire des incorporés de force, a répondu à l’invitation du président de la Société d’histoire du Pays naborien, Pascal Flaus (à droite). Photo RL
L’événement était annoncé de longue date. A tel point que Pascal Flaus, président de la Société d’histoire du Pays naborien, cette conférence intitulée « Les incorporés de force décédés et disparus du Pays naborien » a décidé de faire venir un véritable expert : Cédric Neveu.
Professeur d’histoire-géographie et historien, ce Normand épluche scrupuleusement les archives du ministère de la Défense de Caen depuis plusieurs années. Son objet d’études : les incorporés de force décédés, ou disparus, durant la Seconde Guerre mondiale.
« En tout, près de 30 000 Mosellans ont été incorporés de force, d’ailleurs c’est sous ce nom qu’ils sont désignés dans les fichiers de l’administration et non comme des « Malgré-nous », dans différentes unités de l’armée allemande. 6 700 sont morts au combat ou ont disparu. Mon objectif est de savoir qui étaient ces gens. Je ne parle pas des volontaires, même si le sujet mérite une étude. »
En deux à trois ans de travail, Cédric Neveu a pu démêler les fils de 1 500 vies. « Il est possible de tirer des données statistiques, savoir dans quelle armée il y a eu le plus de pertes, quelle classe d’âge a été la plus touchée… »
Des motifs de décès qui en disent long
Combat, blessure, maladie, suicide, disparition… « Les motifs de décès de ces soldats sont très variés et méritent que l’on s’y arrête. Dans le cas des disparus, nous avons des familles qui ont refusé jusque dans les années 60 qu’un jugement déclaratif de décès soit prononcé. Ces personnes voulaient croire que leur fils, leur frère, était encore en vie quelque part. »
Afin d’animer sa conférence, Cédric Neveu a décidé de l’illustrer avec des cas particuliers. « À Caen, nous avons des dossiers contenant parfois des photos, des lettres, des témoignages dans le cadre d’enquêtes de gendarmerie. Cela permet de mettre un visage sur les chiffres et les statistiques avancées. Ces conférences, c’est aussi l’occasion de rencontrer des familles, de donner des informations, d’en récolter… Régulièrement, les spectateurs viennent me voir avec des documents et me proposent de les récupérer afin de les scanner. Je les rends ensuite, évidemment, et j’ajoute les informations aux dossiers. »
Préserver l’histoire
Alors que la plupart des incorporés de forces revenus du front ont disparu, Cédric Neveu se pose en défenseur de ces histoires personnelles qui constituent l’essence de l‘histoire générale. « Il ne faut pas oublier que ces Mosellans qui ont servi sous l’uniforme, ils ne le voulaient pas. C’était des gamins d’à peine 17 ans pour la plupart. Je conseille souvent à mes élèves de s’asseoir avec leurs grands-parents pour discuter avec eux de ces choses-là, d’en apprendre plus.
Pendant longtemps, l’histoire de ces incorporés de force s’est tue. Je suis d’ailleurs étonné qu’il n’y ait jamais eu, à ma connaissance, de réelle étude statistique sur les incorporés de force en Alsace et en Moselle.
Probablement parce que des événements comme Oradour-sur-Glane constituent encore des points de crispation. »
David HOURT
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