Chers Adhérents, vous êtes peut être à la recherche de votre histoire, peut être la trouverez vous dans ce monument de papier!

Laurent Thiery poursuit son tour de France pour parfaire le projet « DORA » remettre aux Familles le Dictionnaire dans lequel figure l’histoire de leurs Parents, recueillir de nouveaux témoignages. Les 16 et 17 janvier , il était dans le Jura . Cette information nous a été communiquée par le musée de la Résistance de Besançon, nous présentant leurs meilleurs vœux 

Christiane Dormois

Vice Présidente Nationale FNAPOG
Présidente de la fédération du Doubs

 

Camp de Mittelbau-Dora : un « monument de papier » pour sortir des déportés de l’oubli

Fruit d’un travail colossal d’une vingtaine d’années, le dictionnaire de Mittelbau-Dora paraît enfin. Il met en lumière le parcours de près de 9 000 déportés de France envoyés dans ce camp allemand, l’un des moins connus. Il était pourtant destiné à la fabrication des célèbres fusées V2 censées anéantir l’Angleterre.

René Gineste, un jeune résistant, n’avait que 23 ans lorsqu’il a été pris dans une rafle de la Gestapo dans le Jura. Bernard Laveran tentait, pour sa part, de franchir la frontière espagnole pour rejoindre les Forces Françaises Libres quand il a été stoppé par la police allemande. Jules Rietmann, un terrassier de 30 ans, se trouvait à Orléans lorsqu’il a été accusé, puis jugé pour avoir distribué des tracts. Simone Jacob, future Simone Veil, elle, habitait à Nice quand sa famille a été arrêtée puis déportée en raison de sa religion juive.

Des origines et des parcours différents, mais qui ont tous un point commun. René, Bernard, Jules et Simone ont tous connu l’enfer de Mittelbau-Dora, l’un des camps de concentration et d’extermination par le travail le plus meurtrier du IIIe Reich. C’est dans ce lieu, une dépendance du camp de Buchenwald, situé dans le centre de l’Allemagne, que des milliers de forçats ont creusé des tunnels pour installer un site industriel et assembler les pièces de fusées V2 censées anéantir l’Angleterre.

« 8 971 existences broyées »

Ces destins sont aujourd’hui regroupés dans un seul dictionnaire biographique publié le 10 septembre. En plus de 2 400 pages, le livre des déportés de France de Mittelbau-Dora (Le Cherche midi) raconte l’histoire de « 8 971 existences broyées » dont celles de sept femmes, immatriculées dans ce camp entre 1943 et 1945. Ce projet d’une ampleur colossale a vu le jour il y a une vingtaine d’années. Il est né de l’engagement pris auprès des survivants réunis à l’époque au sein de l’amicale Dora-Ellrich et a été porté depuis par le musée de la Coupole d’Helfaut, dans le Pas-de-Calais, installé dans un gigantesque bunker de béton construit par les Nazis, d’où devaient être tirées ces fameuses fusées V2.

« En 1998, après la parution du livre d’André Sellier, ‘Histoire du camp de Dora‘ (Éd. La Découverte) et l’inauguration de l’exposition ‘Images de Dora’ à La Coupole, un recensement des déportés de France passé par le camp était toujours manquant », explique l’historien Laurent Thiery, qui a encadré la réalisation de ce livre. « Sur le modèle du Maitron, le dictionnaire du mouvement ouvrier, le Centre d’Histoire de la Coupole lança l’idée de réaliser un dictionnaire biographique ».

« L’impression de faire revivre quelqu’un »

Pour venir à bout de cette tâche titanesque, Laurent Thiery a réussi à mobiliser un peu partout en France plus de 70 rédacteurs : des historiens, des professeurs, des archivistes ou encore de simples bénévoles. Chacun a été chargé d’écrire une ou plusieurs fiches biographiques à partir de documents collectés dans divers centres d’archives ou auprès des familles.

Pendant près de cinq ans, Claude Favre, une agrégée d’histoire-géographie s’est plongée à corps perdu dans ce projet. À elle seule, elle a rédigé plus de 840 notices dont celle de son grand-père Marcel Petit, l’un des rescapés de Dora, membre du réseau Eugène-Prunus/Buckmaster à Toulouse. « Je savais qu’il avait fait de la résistance. Il avait un mauvais sommeil et faisait des cauchemars. Il avait des douleurs suite aux interrogatoires et aux coups, mais il n’en parlait pas », raconte cette femme qui vit en Meurthe-et-Moselle.

En apprenant la réalisation de ce livre auprès de l’Association des amis de la Fondation pour la mémoire de la déportation dont elle fait partie, Claude n’a pas hésité une seconde : « J’étais quand même la mieux placée pour écrire la fiche de mon grand-père. C’était à moi de le faire. Et j’ai finalement découvert des précisions sur son parcours quand j’ai réalisé sa biographie ». Incitée par Laurent Thiery, l’ancienne professeure s’est prise au jeu et a écrit le parcours d’autres déportés, notamment originaires de sa région. « Cela a envahi ma vie. C’est devenu une obsession », confesse-t-elle. « À chaque fois, j’ai eu l’impression de faire revivre quelqu’un ».

Le dictionnaire des déportés de Mittelbau-Dora fait 4,2 kilos et compte plus de 2400 pages. © Centre de ressources de La Coupole

Grâce à Claude et aux autres contributeurs, les familles découvrent aujourd’hui le résultat de ce long et minutieux travail historique. La Coupole est en effet en contact avec les proches de 900 déportés. Parmi eux, Mathias Hosxe, journaliste à France 24, a été bouleversé en découvrant la fiche consacrée à son grand-père Pierre Hosxe, survivant de Dora. Cet ingénieur de formation avait mis ses connaissances techniques en radio ainsi que son commerce au service de la Résistance et avait été arrêté à Lyon en 1943. « J’ai carrément pleuré à la lecture de sa notice biographique. J’ai compris que ce qui m’avait ému, c’était d’abord le récit de son parcours et de son séjour là-bas et d’autre part l’émotion de voir la reconnaissance publique de ce qu’il avait subi en tant que résistant », confie-t-il.

Ce petit-fils de déporté a peu connu son grand-père. Durant son enfance, il n’a eu que des bribes de son passé. Soixante-quinze ans plus tard, il a le sentiment d’avoir renoué avec cette histoire familiale: « C’est une sorte d’apaisement et de confirmation par les faits que ce qui avait été raconté dans un cercle familial et restreint, appartenait à la grande histoire, aussi ».

Une photographie du déporté Henri Guet. Cheminot à la SNCF, il a été arrêté en novembre 1941 par la police française au Mans en tant qu’ex membre du parti communiste. Condamné à cinq ans de prison, il purge sa peine avant d’être remis aux autorités allemandes puis déporté en mai 1944. © Centre de ressources de La Coupole

« Leur nom ne s’effacera pas une deuxième fois »

Martine Erbs a elle aussi appris énormément de choses sur le parcours de son père Louis Erbs, un étudiant résistant originaire d’Alsace : « Je ne connaissais rien du tout à part le fait que c’est à la faculté de Clermont qu’il avait été raflé et déporté ». Pour elle, il s’agit d’éclairer des histoires individuelles, mais aussi de mettre en lumière Mittelbau-Dora : « Il est important que le grand public puisse être informé de toutes les barbaries nazies. On connaît les camps d’extermination des juifs, mais on connait bien moins les camps d’extermination par le travail. Celui de Dora est tout fait remarquable par son usine souterraine qui a permis l’essor de l’aéronautique après la guerre ».

Des clichés du camp de Dora et de son crématoire. © Centre de ressources de La Coupole

Pour l’historien Laurent Thiery, cet effacement mémoriel s’explique en effet par la spécificité de ce lieu. « Il tient davantage au lien entre l’histoire de ce camp et le scientifique nazi Wernher von Braun. Responsable des crimes commis à Dora pour faire fabriquer par des déportés la fusée V2 qu’il avait mis au point pour Hitler, von Braun est devenu après la guerre le protégé des USA. Père du projet Apollo et de la mission qui conduit les premiers hommes sur la Lune en juillet 1969, le passé du nazi a été largement occulté et l’histoire de Dora avec », estime-t-il. « Puisse ce livre permettre de rappeler que les plus belles heures de la conquête spatiale puisent leurs origines de cette liaison dangereuse entre les nazis et les scientifiques ».

Mais ce dictionnaire permettra avant tout de graver pour l’histoire l’engagement de ces milliers de déportés. Sur les 3 979 rescapés de Dora, la Coupole est en relation avec une quinzaine de déportés encore en vie. Laurent Thiery a déjà pu remettre personnellement à certains d’entre eux un exemplaire. « Ils sont très fiers de cet ouvrage, impressionnés par ses dimensions et son poids. Mais surtout, leur émotion est perceptible à l’idée que leurs camarades disparus sont désormais inscrits dans ce monument de papier et que leur nom ne s’effacera pas une deuxième fois », décrit l’historien. « Enfin, la présence des membres de leur famille, parfois des arrière-petits-enfants, les conforte dans l’idée que ce livre servira de courroie de transmission pour les générations privées de témoins ».

Le musée de la Coupole invite les familles de déportés de France à Mittelbau-Dora et ses Kommandos à se manifester auprès de lui. Son objectif est de leur remettre un exemplaire numéroté lors des cérémonies commémoratives prévues un peu partout en France.

Pour plus d’informations: lthiery@lacoupole.com

 

Précisions :

Histoire du camp

DU KOMMANDO AU CAMP DE DORA

Entrée sous la colline d’un des deux tunnels de Dora

À la suite du bombardement (nuit du 17 au 18 août 1943) de l’usine de Peenemünde (sur la Baltique) où étaient fabriquées les fusées V2, il a été décidé le transfert de cette production dans des usines souterraines de Thuringe et d’y utiliser des détenus. C’est ainsi qu’à la fin août 1943, le camp de Dora a été créé, et que le « tunnel « a été aménagé pour la construction des V2. D’abord kommando de Buchenwald, Dora devint un camp autonome à partir du 28 octobre 1944. Il comportait, autour du site propre de Dora, une trentaine de kommandos (camps extérieurs). L’histoire de Dora, celle de l’usine du Tunnel et du camp, c’est à la fois une partie de l’histoire des fusées et aussi l’une des périodes les plus noires de l’exploitation des déportés dans le système concentrationnaire nazi.

Dora est l’usine-camp souterraine où la machine du guerre la plus secrète nazie exploite et tourne à plein.
Ordre d’Himmler: personne ne doit sortir vivant de Dora.
Soixante mille hommes de toutes les nationalités connaîtront l’enfer de Dora pendant ses vingt mois d’existence, vingt mille en mourront.
Les cadavres partent deux fois par semaine par camions vers le crématoire de Buchenwald, jusqu’à ce que Dora se dote d’un crématoire en septembre 1944.

Ce sont en moyenne mille cinq cents hommes qui meurent tous les mois à Dora.
Les kommandos de travail de Dora sont épouvantables. Ils s’appellent Ellrich, Harzungen, Langenstein, Helmstedt, Blankenburg, Nuxei, Osterode, Mackenrode, Rottleberode, Rossla, Leau, Laura, Schönebeck, Stempeda, Woffleben,Wieda etc.
De très grandes sociétés industrielles (AEG; SIEMENS, VOLKSWAGEN, IG Farben entre autres) soutiennent activement la production de guerre allemande à Dora.

L’usine installée au cœur du tunnel s’appelle  » Mittelwerk « . Nombreux sont les déportés français envoyés vers Dora où la mortalité est si grande, qu’on l’appelle  » le cimetière des Français « . (Consulter à propos du camp de Dora l’ouvrage historique de André Sellier,  » Histoire du camp de dora « , éditions La Découverte, 1998).

Dora a une telle importance stratégique pour les nazis qu’il cessera d’être un kommando de Buchenwald pour devenir un camp de concentration autonome en octobre 1944, celui de Mittelbau-Dora.

Le nouveau camp se dote lui-même de kommandos pour accélérer la production des V2. De nouveau, on creuse, on bétonne, on perce de nouveaux tunnels ultra-secrets pour le montage des fusées.


 

LA MÉMOIRE DE DORA

Paru dans Le Serment N°321

Le Centre d’Histoire et de Mémoire du Nord-Pas-de-Calais et l’Association Française Buchenwald-Dora et Kommandos, avec le soutien de la Commission Dora-Ellrich près la Fondation pour la Mémoire de la Déportation, organisent le 25 octobre 2008 à La Coupole (Saint Omer) une journée d’étude sur les déportés français au camp de concentration de Dora (1943-1945).
Fondée sur les recherches historiques conduites sous la direction d’Yves Le Maner et d’André Sellier et sur les témoignages d’anciens déportés, cette journée se donne pour objectif d’éclairer la partie finale de l’histoire du système concentrationnaire nazi : celle où l’on observe la symbiose la plus poussée entre le travail concentrationnaire, l’industrie d’armement et l’élimination des opposants au Reich, dans le cadre de ce que Eugen Kogon a défini comme « l’État SS. »

LE DERNIER DES GRANDS CAMPS NAZIS

Dora est le dernier des « grands camps » créés par le régime nazi. Son histoire s’organise en trois grandes périodes.
La première, d’août 1943 à mars 1944, est celle de la transformation d’un dépôt souterrain de carburants stratégiques en usine de montage ultramoderne où seront assemblés des V2, ou plus exactement des fusées A 4 surnommées Vergeltungswaffe 2 (arme de
représailles numéro 2).
Cet aménagement est confié à un kommando de Buchenwald, baptisé Dora, qui arrive sur les lieux le 28 août.
Les travaux s’effectuent dans un contexte d’urgence, d’improvisations, de violence, sans grands moyens matériels. Les détenus vivent jours et nuits sous terre dans les conditions les plus déplorables. La mortalité est considérable. 2 882 cadavres –dont 25% sont ceux de Français- sont expédiés au cours de cette période vers le crématoire de Buchenwald et 3 000 détenus malades sont éliminés par des transports en direction de Maïdanek et Bergen-Belsen.
La production de fusées commence en janvier 1944 pour alimenter le polygone d’essai situé sur le camp SS de Blyzna, en Pologne.
A partir d’avril 1944, les détenus du Kommando Dora sont logés dans un camp neuf construit à proximité de l’entrée sud de l’usine souterraine. Il ne s’agit plus d’aménager mais de fournir de la main d’oeuvre à la chaine d’assemblage. Les fusées qui sortent de la chaine de montage sont opérationnelles depuis juin et alimentent la campagne engagée contre Londres à partir de septembre 1944. L’alimentation et les conditions d’hygiène s’améliorent. La violence recule et se déplace vers de nouveaux camps aménagés autour de Dora (Notamment Ellrich et Harzungen) ou des chantiers extérieurs.
Le 1er novembre 1944, le Kommando de Dora se transforme en camp autonome et reçoit le nom de Mittelbau.
Devenu camp souche, il contrôle les camps annexes d’Ellrich et d’Harzungen et tout un ensemble de kommandos. La situation se dégrade. Les effectifs du camp s’élèvent à 26 000 détenus en novembre 1944 et à près de 40 000 en mars 1945 car une partie des convois d’évacuation des camps de l’Est aboutit ici. Pour “vider” le camp et ses annexes, un véritable mouroir est mis en place dans une caserne désaffectée située à la périphérie de Nordhausen, la Boelke Kaserne.
Dans les semaines qui précèdent la libération les SS redoublent de violence et assassinent plusieurs centaines de détenus.
La fabrication de V2 ne s’arrête que le 31 mars 1945 et les SS évacuent le camp, les 4 et 5 avril, vers Bergen-Belsen et Ravensbruck. Dans une Allemagne en plein chaos, ces marches de la mort vont faire des milliers de nouvelles victimes.
Les textes qui suivent s’inspirent largement de la contribution d’Yves le Maner à l’ouvrage publié par le mémorial de Caen en 2007 sous la direction de Bernard Garnier, Jean-Luc Leleu et Jean Quellien et intitulé « La répression en France, 1940-1945 ».

ECRIRE L’HISTOIRE DES HOMMES

Depuis plusieurs années notre Association participe au travail mené au Centre d’Histoire et de mémoire du Nord Pas de Calais pour écrire un dictionnaire biographique des déportés français à Dora et dans ses Kommandos. Ce travail est en voie d’achèvement. On sait désormais qu’a minima 9 100 personnes ont été déportées de France vers Dora et parmi elles 550 étrangers arrêtés en France. L’analyse du profil démographique (âge, situation matrimoniale, origine géographique) et sociologique (profession…), ainsi que des motifs d’arrestation va permettre de dresser un portait collectif de ce groupe d’hommes.
Pourquoi ces 9 000 détenus ont-ils été déportés à Dora et pas dans un autre camp ? Cette question a aujourd’hui sa réponse. Nous disposons d’une connaissance fine des grands transferts de déportés français de Buchenwald vers Dora et des raisons de ce choix par les nazis.
Que sont devenus les survivants ? Les historiens allemands du Mémorial de Dora – Mittelbau et son directeur, M. Wagner, ont réalisé sur ce sujet un remarquable travail. Mais celui-ci n’est pas achevé. C’est pourquoi nous avons ouvert nos archives.

POURQUOI DORA

Le plus secret des programmes d’armement du Reich mis en oeuvre sous la responsabilité technique de Wernher von Braun consiste à fabriquer des fusées V2 en série en utilisant la main d’oeuvre concentrationnaire.
Le 17 juin 1943, les ingénieurs et responsables militaires de Peenemünde obtiennent un premier contingent de détenus allemands et soviétiques venus de Buchenwald pour mener à bien ce projet. Ce kommando, dénommé Karlshagen II, est administrativement rattaché au camp de Ravensbrück. Le 11 juillet 1943 un second groupe de déportés, là encore provenant de Buchenwald, presque tous français, des 14000, arrive à Peenemünde. Mais le 18 août, la Royal Air Force britannique bombarde le site. Dans les heures qui suivent Hitler lui-même décide de transférer la production de fusées dans une usine souterraine. Le choix du site est rapidement effectué. Il s’agit d’une colline du Harz, le Kohnstein situé en Thuringe, près de Nordhausen, à une quarantaine de kilomètres de Buchenwald.

 

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