vendredi 25 août 2023 Républicain Lorrain
Moselle
HISTOIRE
Vie des Malgré-Nous : une jeunesse sacrifiée, une histoire méconnue
Michel Levillain
Laurent Kleinhentz, maire de Farébersviller et historien, a fait une thèse dédiée aux incorporés de force. Il œuvre pour que les Malgré-Nous entrent dans les livres d’Histoire. Photo Michel Levillain
Entre le 25 et le 29 août 1942, des décrets marquent le début de l’incorporation de force de milliers de Mosellans et d’Alsaciens dans l’armée allemande. Ceux que l’on appelle les Malgré-Nous, envoyés pour la plupart comme chairs à canon sur les fronts de l’Est, et qui ont été longtemps conspués, avant d’être reconnus comme victimes de la barbarie nazie.
« Français ne peux, Allemand ne veux, Lorrain je suis.» Une devise qui témoigne autant d’une fierté que d’une grande souffrance qui a touché des milliers de familles pendant les deux guerres mondiales. Durant la Seconde Guerre mondiale, 130 000 Alsaciens et Mosellans ont été incorporés de force, mais aussi des Luxembourgeois et des Belges, et un bilan qui fait état selon les sources de 22 000 morts au combat et 20 000 autres en captivité.
<< Lois et coutumes de la guerre sur terre >>
« Après la défaite de la France et l’armistice acté le 22 juin 1940, les deux départements de l’Alsace et de la Moselle ont subi l’annexion de fait de l’Allemagne nazie », rappelle Laurent Kleinhentz, maire de Farébersviller et historien, auteur d’une thèse sur le sujet « Dès 1941, un ordre de mobilisation d’office envoie les premiers contingents dans le Reichsarbeitsdienst », le service de travail obligatoire. Il n’est alors pas question d’en faire des soldats, car « la convention de La Haye du 18 octobre 1907 interdit de forcer la population d’un territoire occupé à prendre part aux opérations militaires contre son propre pays et de la contraindre à prêter serment à la puissance ennemie. »
Mais les choses changent rapidement, avec « le fiasco des opérations sur le front de l’Est ». Les soldats de Hitler sont décimés et «il devenait impératif pour lui de recruter des conscrits, afin de servir clairement de chairs à canons et tenter de terrasser l’Armée rouge».
La soumission ou la mort
En 1942, les Gauleiter Bürckel pour la Moselle, Wagner pour l’Alsace et Simon pour le Luxembourg trouvent une « parade ». Des décrets sont pris dans les dernières semaines d’août « via une loi scélérate pour octroyer aux citoyens des territoires occupés la nationalité allemande », ce qui les rendait mobilisables.
« Cet enrôlement forcé au service militaire pour faire partie de la Wehrmacht fut une violation du droit international, mais les quelques recrues n’avaient quasiment aucune possibilité d’y échapper », confie Laurent Kleinhentz. « En cas d’insoumission ou de désertion, c’était l’emprisonnement, la déportation dans les camps ou la condamnation à mort », sans oublier les représailles envers les familles, considérées comme responsables.« Près de 500 réfractaires, alsaciens et mosellans, ont subi la corde de chanvre ou la hache du bourreau. »
Et il y a ceux qui ont été faits prisonniers par l’armée russe et envoyés dans des camps comme celui de Tambov, créé à l’origine par les Nazis. Selon les sources, près de 18 000 hommes y ont été internés à partir de 1943 suite à la débâcle allemande.
Un long combat pour la réhabilitation
Après-guerre, c’est le retour progressif pour les enrôlés de force, qui traînent alors cette image de traîtres, comme leurs familles, comme les nombreux orphelins, « Comment pouvait-il en être autrement ? Car la propagande Pétainiste présentait leur engagement comme « volontaire et enthousiaste » », rappelle Laurent Kleinhentz.
Il aura fallu des décennies avant que le pays prenne en compte cette thématique et ce nom de Malgré-Nous, « qui ne figure dans aucun dictionnaire courant ». Depuis 2008, de nombreux élus mosellans et alsaciens se battent pour cette reconnaissance « et afin que l’histoire de cette jeunesse sacrifiée figure dans les livres d’Histoire ».
En 2020. Laurent Kleinhentz a fait partie d’un groupe qui œuvrait aussi en ce sens : « Il faut restaurer la dignité de ces gens, de ces familles, dans le cadre d’une tragédie qui doit s’inscrire dans l’Histoire du XXe siècle. »
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