LES ALSACIENS ET MOSELLANS INCORPORÉS DE FORCE DANS L’ARMÉE ALLEMANDE
Pour encourager la recherche historique dans le domaine de l’incorporation de force, le prix « Armand Gangloff » a été remis à Geoffrey Koenig, étudiant de la faculté des sciences historiques de l’université de Strasbourg, lors d’une rencontre organisée au FEC à Strasbourg. Il s’agit de la première étude scientifique évoquant les incorporés de force dans la Poche de Colmar.
A 24 ans, le jeune historien qui a grandi à Châtenois, est déjà titulaire d’un master dont le mémoire a pour titre « L’armée tiendra jusqu’au dernier ». La 19e armée allemande et l’idéologie jusqu’au boutiste dans la poche de Colmar-23 novembre 1944 au 9 février 1945 ». C’est pour ce travail, supervisé par les universitaires Catherine Maurer et Claude Muller, que Geoffrey Koenig a été choisi par un jury composé du Pr. Jean Laurent Vonau, de l’historien Nicolas Mengus et de Mme Renée Baudot. Celle-ci, rappelant avoir engagé une action auprès de la justice allemande pour que l’incorporation de force soit reconnue comme un crime contre l’humanité, souhaite à travers un prix honorer la mémoire de son oncle, Armand Gangloff, un des 40 000 Français morts comme incorporé de force. Enseignant dans un collège strasbourgeois tout en préparant l’agrégation d’histoire, Geoffrey Koenig a évoqué son travail, soit 300 pages résultant de deux ans de recherches : « Alors que la France était libérée dont Strasbourg fin novembre, les Allemands se sont battus autour de Colmar contre les alliés avec une mentalité fanatique. La citation (« l’armée tiendra jusqu’au dernier ») est due à Heinrich Himmler qui était à la tête des opérations en Alsace à la fin de la guerre. Parmi les soldats allemands, il y a avait plusieurs Alsaciens incorporés de force et la situation pour eux dont le village était parfois proche du front était un psychodrame d’un niveau élevé. Certains se sont évadés de l’armée (17 en 1944 et 23 en 1945) et d’autres ont hésité à cause de la Sippenhaft, cette loi du clan qui punissait tous les proches des déserteurs et de la loi allemande obligeant tout soldat à tuer un déserteur. » Malgré cela, note le jeune lauréat « les Alsaciens représentent la minorité qui a le plus déserté ».
« Une lueur d’espoir ? »
La question de la non-reconnaissance des victimes du nazisme (et donc de la réparation de leurs traumatismes) par l’Allemagne, notamment durant la période 1949–1963 du chancelier Adenauer a été détaillée par Alfred Wahl. Il a fallu attendre les années 90 et 2000 pour qu’une nouvelle génération d’Allemands considère les victimes (personnes ayant été stérilisées de force, Tziganes, homosexuels, opposants politiques, opposants au nazisme déserteurs de l’armée allemande, etc.) comme aptes à obtenir des indemnisations, a expliqué l’avocat Andreas Scheulen. La cause des incorporés de force peut-elle être plaidée ? En matière de reconnaissance morale de cette monstrueuse injustice, « le traité d’Aix La Chapelle nous donne une lueur d’espoir » a avancé Jean-Laurent Vonau. L’historien du droit a parlé de l’incorporation de force comme « politique de déshumanisation, viol des consciences et traumatisme ayant pesé sur les les adultes et les enfants car il se transmet. » Il a aussi cité les paroles de Mme Frédérique Neau-Dufour, directrice du CERD au Struthof, qui au Forum européen de la Bioéthique a parlé des incorporés de force : « Leurs corps ne leur appartenaient plus dès lors qu’ils devaient revêtir un uniforme qui n’était pas le leur ». Mais pour établir un dossier dans le cadre du nouveau traité franco-allemand, « il faudra que nos politiques nous aident » a dit Gérard Michel, président de l’OPMNAM, orphelins de pères malgré-nous d’Alsace-Moselle « J’en ai invité beaucoup et aucun n’est venu. »
Marie Goerg-Lieby
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