Le 24 août 1944, une colonne allemande en mouvement pille le village audois de Rieux-Minervois et certains de ses membres violent des habitantes. Après échanges de coups de feu avec les maquisards du groupe FFI/AS du commandant Henri Bousquet, on dénombra dix morts, tués au combat ou fusillés sommaires.
Rieux-Minervois (Aude), Monument commémoratif des morts du 24 août 1944 lors du passage d’une colonne allemande, vues générales et détails
Photographies : André Balent, 10 novembre 2015
Le 20 août 1944, Carcassonne a été libérée. Après le 15 août 1944, (débarquement en Provence), les troupes d’occupation avaient reçu l’ordre de repli et d’évacuation (le 18 août 1944 pour la 19e armée allemande). Les Allemands et leurs auxiliaires géorgiens ou « turkestanais » refluèrent alors vers l’est afin de gagner au plus tôt la vallée du Rhône. Le 20 août 1944, les Allemands quittèrent Carcassonne après avoir fait exploser, le 19, le dépôt de munitions du château de Baudrigues à Roullens où périrent des résistants (voir : Monographie du Site d’exécution de Roullens). Les colonnes allemandes privilégièrent les axes secondaires par le nord-est du département (le Minervois) en direction de Béziers ou de Saint-Pons, villes de l’Hérault, au détriment de la voie principale (RN 113 et ligne SNCF Bordeaux-Sète, par Lézignan-Corbières et Narbonne, ville contrôlée par la résistance dès le 22 août) plus vulnérable et encombrée par les troupes allemandes évacuant le Roussillon ou la zone littorale de l’Aude.
Les résistants audois, comme précédemment ceux de l’Ariège, plus à l’ouest, harcelaient les colonnes allemandes en déplacement. Des combats eurent lieu, avec des victimes dans les deux cas. Les Allemands et leurs auxiliaires pratiquèrent des représailles, fusillant sommairement les prisonniers ou des otages. Le combat de Rieux-Minervois, le 24 août 1944 est à replacer dans ce contexte.
Un détachement de FFI avait été constitué à partir du 11 août 1944 dans le Minervois par des résistants issus de l’AS dirigée par Louis Raynaud et René Piquemal et présents dans divers villages. Le commandant Henri Bousquet se mit à la tête de ce détachement (connu bientôt comme le bataillon du Minervois) et harcela les forces allemandes qui se repliaient. Il s’ajoutait au maquis (AS) de Citou (Aude) installé sur les contreforts de la Montagne Noire, aux confins de l’Hérault et du Tarn et qui avait recueilli les débris, en fuite, du maquis (AS) de Trassanel (Aude) anéanti le 8 août 1944 (Voir Armagnac Antoine).
Les Allemands furent successivement accrochés le 16 août 1944 à Bize-Minervois, le 19 à Peyriac-Minervois, La Redorte et Puichéric, le 20 à Villeneuve-Minervois, le 21 à Caunes-Minervois, le 22 au col de la Salette, à la limite de l’Hérault, le 23 à Montolieu, Pennautier et La Redorte, le 24 , enfin, à Villegailhenc et à Rieux-Minervois.
Le combat de Rieux-Minervois fut le dernier qui se déroula dans l’Aude avant la libération totale du département. Il fut aussi le plus meurtrier de ceux évoqués ci-dessus. Les FFI occupaient le village lorsque, le 24 au matin une colonne allemande arriva à proximité de Rieux-Minervois. Le commandant Bousquet, à la tête de ses maquisards du Minervois, attaqua des Allemands et des « Mongols » (ainsi que les maquisards et les habitants désignaient des auxiliaires issus de l’Asie centrale soviétique, — le « Turkestan » : Kazakhs, Ouzbeks, Turkmènes, Kirghizes — ou des Tatars, de la Crimée ou de la Volga issus de l’Armée Rouge et ayant été faits prisonniers par les Allemands à qui ils se rallièrent ; ils formaient une Légion du Turkestan) près de Saint-Frichoux— à 7 km au sud-ouest de Rieux. D’autres sources évoquent aussi la présence : d’un détachement géorgien parmi les forces allemandes qui se confondrait avec les Turkestanais ou compléterait leur effectif ; de Bavarois ; de SS. Le combat, commencé vers dix heures du matin se poursuivit jusqu’à midi. D’après le témoignage de Louis Raynaud repris par Lucien Maury (op. cit., p ; 370), le maquis eut des blessés (deux, d’après le témoignage d’un villageois recueilli en novembre 1944) et des Allemands furent tués.
Louis Raynaud qui participa au combat a expliqué (témoignage reproduit in Maury, op. cit., p. 370) que « le sous-officier Ferrié agent de liaison et de renseignement » fut « tué », ce qui incita le commandant, privé de renseignements, à ordonner l’attaque. En représailles à celle-ci ainsi que pour se venger des attaques des jours précédents, les Allemands et leurs auxiliaires pénétrèrent en force dans le village de Rieux-Minervois. Ils pillèrent (en particulier les maisons situées dans la Grand-Rue, le long de la route d’Azille et de celle de Saint-Frichoux), détruisirent le mobilier et se livrèrent à des viols (trois femmes). Ils prirent quatre otages parmi les villageois. L’un d’entre eux, Marcel Labatut, fut assassiné à proximité de son domicile, après avoir été roué de coups de crosse de fusil. Il fut le premier exécuté sommaire de Rieux. Les trois autres otages furent relâchés à dix kilomètres de Rieux-Minervois, après avoir été torturés. Un affrontement armé eut lieu. Il y eut dix morts, « six FFI et quatre habitants du village » a écrit Louis Raynaud.
Lucien Maury (op. cit., p. 397) donne les noms des quatre habitants abattus par les Allemands : un otage, Marcel Labatut et trois autres « civils », Camille Amalric, François Marieu et Louis Cros. Mais d’autres documents font clairement état du fait qu’Amalric était un combattant de la Résistance. Des blessés furent achevés. Deux blessés furent transportés à l’hôpital de Carcassonne. Le décès de l’un d’eux, déjà mort lorsqu’il y arriva fut enregistré à l’état civil de Rieux-Minervois. Le second fut enregistré à Carcassonne. Celui des autres victimes de ce sanglant affrontement le fut à l’état civil de Rieux-Minervois. Les FFI tués au combat ou morts des suites des blessures reçues pendant celui-ci étaient : Jean Cadastrem, François Ferrié, Paul Fleurisson, Joseph Garcia, Robert Guis, Alfred Raulet. Les otages qui n’avaient pas été exécutés furent libérés par les Allemands à une dizaine de kilomètres de Rieux-Minervois.
Le lendemain, 25 août 1944, l’Aude était entièrement libérée de l’occupation allemande. Le bataillon du Minervois fut constitué en grande partie par les hommes du groupe de maquisards du Minervois. Il forma une compagnie du 81e RI reconstitué à Carcassonne. Ce régiment renforcé au début de 1945 par des unités de FFI d’autres départements de la R3 (ex AS de l’Hérault (voir Suberville Gérald) et ex FTPF de l’Aveyron, (voir Fournier Raymond) participa à la campagne d’Alsace et d’Allemagne (Rhin et Danube). La compagnie du Minervois défila à Berlin en mai 1945. Une rue de Rieux-Minervois a été nommée « rue bataillon du Minervois » et une autre voie « avenue du 24 août 1944 ». Une stèle commémorative a été édifiée. Y figure l’inscription suivante : « En souvenir de l’héroïque défense opposée par les Corps Francs et maquis du Minervois et de Rieux-Minervois aux colonnes Allemandes le 24/08/1944 »
AMALRIC Camille
CADASTREM Jean
CROS Louis
FERRIÉ François
FLEURISSON Paul
GARCIA Joseph
GUIS Robert
LABATUT Marcel
MARIEU François
RAULET Alfred
Commentaires récents