JOURNAL LIBERATION
DISPARITION
MORT DE FRANCK VENAILLE, POÈTE «ÉGARÉ DANS LA BANLIEUE DE VIVRE»
Par Guillaume Lecaplain— 26 août 2018 à 15:31
Marqué par la guerre d’Algérie, il avait reçu le prix Goncourt en 2017.
«Voyez ô voyez ! Comme les mots tremblent / et geignent ! Orphelins qui dans le noir / cherchent une autre famille», écrivait-il dans son Requiem de guerre. Les mots sont désormais orphelins de Franck Venaille ; le poète est mort le 23 août, à 81 ans.
Né François Venaille le 26 novembre 1936 à Paris, il grandit dans une famille imprégnée par la religion catholique. A 20 ans, il fait deux années de service militaire en Algérie alors en guerre. Cette expérience le marque à jamais. Elle sera notamment l’objet de la Guerre d’Algérie (Minuit, 1978) et d’Algeria (Léo Scheer 2004). A son retour en France, consommant la rupture avec son héritage religieux familial, il se rapproche du Parti communiste. Il s’en écartera à partir de 1968. «J’ai pris part, j’ai manifesté avec ceux de La Havane et d’Alger, j’ai vendu l’Huma eu froid peur envie de trahir de me reposer.»
Il commence à être publié dans les années 60, édité par Pierre-Jean Oswald puis chez Minuit. Parallèlement, il fonde deux revues : Chorus (en 1968) puis Bloom (en 1978) et est producteur à France Culture.
«L’érotisation des souvenirs»
La littérature de Venaille est frappée par l’angoisse et le sentiment de s’être «égaré dans la banlieue de vivre»(Ça, 2009). Dans Tragique (éditions Obsidiane, 2001), il expliquait que sa poésie explorait «le sens de la vie, le balancier entre le bien et le mal, l’aspiration à la sainteté, l’érotisation des souvenirs, le regard froid porté à la maladie, le sens à donner à la souffrance née de la jalousie».
Il avait remporté en 2017 le prix Goncourt de la poésie et le grand prix national de la poésie.
Son nouveau recueil de poésie, qui part sur les traces de ses souvenirs d’enfance dans l’est parisien, paraîtra début octobre au Mercure de France.
Toujours dans Ça, il écrivait : «Pas assez crié dans ma vie. Pas assez hurlé ! Que cela se déchire, là-dedans, en pleine poumonerie. Ce qu’il faut c’est bien regarder à l’intérieur de soi. Le cri vient vite dès que les images se font plus nettes. Las ! Pas assez. Pas assez crié à la mort. Hurlé oui. Mais pas assez. Je vous en conjure : criez pendant qu’il est temps encore.»
Guillaume Lecaplain
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