Jean Paul 96 ans,
Il est un des rares Vétérans à avoir vécu les deux débarquements pouvant encore témoigner ce jour.
Il a livré son récit à NEO qui a fidèlement retranscrit ses propos….
Voici ce qu’a vécu un jeune combattant Français lors de l’appui aux Forces Alliées en Normandie.
Nous revivons au travers de ces lignes l’horreur de ces combats, de ces bombardements durant lesquels tant de familles civiles ont été décimées, tant de blessés, tant de morts pour que l’hymne Européen puisse être joué désormais dans nos cérémonies mémorielles en même temps que notre hymne National !
Notre Fédération rappelle que toutes ces victimes « sacrifiées » sur l’autel de la Liberté sont nos Compagnons « Oubliés de l’histoire »
Christiane Dormois
Ce témoignage nous fait revivre les premières heures du D DAY alors que les Forces Alliées prenaient pied sur les plages du débarquement afin de libérer l’Europe du joug de l’ennemi. Il est l’un des rares Vétérans à avoir participé aux deux débarquements en Normandie et en Provence, c’est un témoignage que nous vous offrons parce que NEO l’a rencontré et Jean Paul s’est livré sans « fioriture » !
Cet extrait d’un article de Var Matin écrit par suite d’une interview de France Radio vous dit pourquoi il était là, rares soldats Français en appui aux Forces Alliées !
« Il n’avait que 21 ans le jour du débarquement en Normandie. Fraîchement sorti de l’école navale, Jean-Paul était à Omaha Beach le 6 juin 1944, embarqué sur le croiseur « Georges Leygues », l’un des deux seuls bateaux français participant à l’opération. « Alors que nous étions en train de tirer sur la plage comme des fous, les premières personnes qui ont débarqué n’avaient pas de blindés et n’étaient pas équipés correctement, se souvient-il, pendant toute la matinée, cela a été quasiment un massacre sur la plage. » Jusqu’à ce jour, il n’avait jamais vu de cadavre. Jean-Paul raconte avoir dû « passer par-dessus au moins 1 500 morts ». »
En janvier 1944 je me retrouve disponible, je m’engage comme on me l’a conseillé dans un gros bâtiment, le croiseur Georges Leygues stationné à Dakar, en pleine guerre des « blocked runners ». Les Allemands ayant besoin de matières premières font importer du Japon du caoutchouc et du cuivre par des cargos rapides, les « runners ».
Le but des croiseurs légers est de les intercepter : le 20 février, nous recevons l’ordre de remonter vers le nord. A Oran, nous rencontrons l’Amiral Lemonnier, chef d’État-major de la Marine : la situation est donc plus sérieuse qu’on ne le pensait !
Quelques jours après nous partons par un temps épouvantable vers l’Angleterre, à Scapa Flaw où sont stockés nombre de navires de la Royal Navy. Il n’est absolument pas question de Français au débarquement ! Pourtant, un mois avant la date prévue, les autorités américaines se débrouillent pour affecter deux magnifiques navires, les croiseurs Georges Leygues et Montcalm, pour le débarquement.
A Scapa Flaw, nous nous entraînons notamment à un simulacre de débarquement près de New Castle en Irlande ! Nous partons pour Belfast où nous recevons beaucoup de renseignements, une documentation invraisemblable ! Étant donné que nous avons tous les renseignements, nous sommes consignés jusqu’à l’appareillage le 3 juin. Lors de notre sortie du port nous voyons que tous les bâtiments alentours, plus nombreux qu’à la normale circulent tous feux éteints, sans liaison, pour conserver le secret ! Comme prévu, nous nous rassemblons tous au sud de l’île de Wight, de manière à débarquer en Normandie.
Le 5 juin, la météo épouvantable pousse le Général Eisenhower à repousser de vingt-quatre heures le débarquement, c’est ce qu’il advient.
Ce 5 juin 1944 j’ai 21 ans, nous sommes avertis que le lendemain commence l’une des opérations militaires les plus meurtrières de l’histoire, à laquelle je vais prendre part.
D-DAY – En pleine nuit nous prenons un chemin très étroit pour éviter ce que les dragueurs allemands avaient disséminés dans la Manche.
A trois heures du matin, nous arrivons devant Port-en-Bessin et Omaha-Beach, instantanément, nous commençons à tirer comme des furieux sur tous les points de la« sanglante » repérés par avance, entourés par des tireurs allemands dans les falaises, « admirablement » situés pour faire un carnage !
A cinq heures trente après un barnum épouvantable, silence total, puisque l’on ne peut pas tirer sur les lieux où les soldats vont débarquer !
Les premiers débarqués sont des rangers américains, dans les barcasses, les hommes vomissent de peur !
OMA BEACH : un débarquement épouvantable, un véritable carnage notamment à cause des tétraèdres de Rommel sous-estimés par le Génie américain ! L’Amiral Briens nous demande de reprendre le tir sur les falaises pour dégager un passage permettant aux débarqués de monter sur les berges sans se faire massacrer. Il est midi, déjà sur le sable deux-milles cinq-cents pauvres corps américains.
Avec les moyens considérables que nous avons mis, le Génie américain qui a réussi à écarter les obstructions, notre imposant travail de nuit, permet aux fantassins de monter sur la côte et d’arriver à Colleville, en haut de la côte.
D-DAY jour 2 – je débarque à mon tour à Utah Beach, il faut être très rapide, avancer prudemment dans le sable, une atmosphère indescriptible règne sur la « sanglante ».
J’ai 21 ans, je n’avais jamais vu de ma vie un cadavre, ils sont des milliers face à moi.
Au matin, l’Amiral Jaujard décide d’envoyer un petit commando pour avoir un état de la situation et envoyer une équipe médicale, je les ai accompagnés, l’un des pires souvenirs de ma vie…
Il nous a fallu traverser des montagnes de corps où se mêlent des cadavres et des blessés en train de hurler… et gémir !!!!!!
Nous rentrons à bord dans la matinée pour rendre compte de ce qu’il s’est passé.
Au même moment, nous apprenons qu’un efficace escadron anglais, le 47 th Figther Squadron, occupe la pointe d’Omaha Beach, la ville de Port-en-Bessin dès le 8 juin au soir.
Le lendemain matin, l’Amiral Jaujard décide d’envoyer une équipe française auprès des Anglais pour leur signifier qu’ils sont bien gentils mais que nous sommes en France et qu’à bord parmi l’équipage il y a des Français !
L’Amiral Jaujard, très futé me confie un rôle pas très drôle : « On va mettre un grand drapeau énorme sur l’église, le numéro onze ! Seulement, ce drapeau ne va pas arriver comme ça au milieu des marines corps qui risquent de se fâcher ! Vous allez trouver le patron et vous lui dîtes : « après tout, on est chez nous ! ». Le Capitaine Clisson, le « patron », ne m’a pas foutu à la porte mais presque ! Il finit par accepter !
Je participe ainsi à cette cérémonie : avec M. Tanguy, natif du pays, nous sommes allés mettre le premier drapeau français sur l’Église, un geste fort en symbole !
Dans l’euphorie la population investit les croiseurs, entoure les marins, ils nous vident toutes nos réserves alimentaires par ailleurs ! Une euphorie totale auquel se mêlent un millier de marins, la population, ainsi que le maire !
Nous restons quelques jours sur place pour s’assurer qu’il n’y a plus de « Booby Traps », des dispositifs pièges allemands.
Une quinzaine de jours après, nous retournons en Angleterre… où nous sommes reçus comme des héros.
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