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Sœur  Marie SKOBTSOV   l’excentrique bienfaitrice, hors normes.

De son vrai nom Elisabeth SKOBTSOVA. Née le 8 décembre 1891 à Riga (Lettonie actuelle). Fille de Youri PILENKO magistrat et de Sophie. Fait ses études au lycée de filles de Yalta. Sa famille part à Saint-Petersbourg en 1906. Son père décède quelques mois après, le 17 juillet. Elle a 15 ans, se réfugie dans la littérature et  termine ses études en 1909. Elle était artiste, poète, intellectuelle.

Elle épouse Dimitri Kouzmine-Kazavaïev un bolchevique, suit des cours de théologie à Saint- Petersbourg et vit séparée de son mari après la naissance de Gaïana1 sa 1ère fille. Divorcée elle se remarie avec Danilo SKOBTSOV en 1918. Elle est socialiste révolutionnaire, athée, veut la mort de Léon Trotsky jusqu’à même l’attaquer, après le coup d’état du 25 octobre 1917 (octobre rouge, révolution). Obligée de se cacher 6 mois.

Les événements en Russie font fuir la famille en Géorgie, où naitra son fils Youri, puis vers Constantinople et ensuite en Serbie, naissance de sa seconde fille Anastasia2 pour finir leur périple à Paris en 1923.

Sa mère Sophie (1863-1962) ouvre un foyer d’accueil dans un hôtel particulier au 42 de la rue François Gérard (XVI éme) près de l’église « Très Sainte Trinité ». Son mari Danilo, ancien instituteur, sera chauffeur de taxi.

Lors d’un camp d’ACER3  en juin 1929, à Clermont en Argonne (Meuse) elle rencontre le père Lev GILLET hiéromoine (moine ordonné prêtre) français qui célébrera un office en fin de camp. Elle embrassera la croix portée par le père, geste inattendu par ce dernier, qui aura pour conséquence d’être aussi réalisé par tous les jeunes russes présents.

 en 1937, Marie est la 3 ème à droite de la 2 ème rangée

Ce fait établit un lien entre le père GILLET et Marie. Elle lui confie son désir d’entrer dans les ordres orthodoxes. Le père GILLET l’en dissuade car mariée 2 fois, divorcée autant, 2 enfants , fumant et buvant de la bière4 cela fera réagir les milieux conservateurs ou du moins une partie. Elle devient moniale en 1932 en l’église orthodoxe Saint-Serge à Paris ( 19éme), après son divorce et en accord avec son mari.

1935 : le père Lev s’installe dans une maison5 de la rue de Lourmel qui accueille les « perdus » de l’émigration russe : jeunes filles et jeunes femmes, chômeurs, sans abri

Elle vit au foyer monastère LOURMEL  à Paris XV éme pendant  l’occupation de Paris de 1940 à 1944. Cette dernière  a pour conséquence un afflux grandissant à la cantine de ce refuge. Elle va aux halles tôt le matin récupérer des restes ou négocier  avec quelques  marchands ainsi la communauté est pourvue d’un minimum  de nourriture. Le père LEV l’accompagne parfois.  Dans son refuge elle est aussi aidée par le père Dimitri KLEPININE 6 Elle fera aussi le tour des bistros7 pour récupérer des âmes perdues.

devant « Lourmel » septembre 1939, Marie la 2 ème à gauche et père Dimitri 2 ème à droite

En 1938 le père LEV part pour Londres où on le demande pour s’occuper de réfugiés juifs allemands, il  revient au foyer Lourmel en 1939 pour la dernière fois. Son dernier message à Mère Marie sera pour la nouvelle année 1940 et il n’apprendra le décès de mère Marie qu’après guerre.

Sœur Marie est en liaison avec un groupement de résistants, composé essentiellement de Russes, implanté dans un moulin à Dourdan (Essonne). Ce groupe est en relation avec des résistants français et sœur Marie  en assure un contact. Elle se rend dans une  ferme, achète des produits et va les distribuer, on la considère comme une personne faisant son marché.

Elle écoute la BBC, renseigne une carte des opérations militaires et de la progression des troupes soviétiques. Elle détestait Hitler.

15 juillet 1942 : rafle du « Vel d’hiv », 13 000 juifs dont 4 000 enfants sont arrêtés et enfermés au vél d’hiver pour 2 semaines avant le départ vers les camps.

Mère Marie profite de son statut de religieuse et de la permission nazie pour entrer au « vél d’hiv ». Elle a ainsi pu faire sortir avec la complicité d’éboueurs de plusieurs enfants (3 ou 4) cachés dans des sacs poubelles.

Ces rescapés étaient ensuite répartis dans différentes villes en des lieux sécurisés.

Ainsi pendant l’occupation le centre Lourmel portait secours aux indigents et pratiquait une activité clandestine.  De faux certificats de baptême furent établis par le curé de l’église proche, ainsi les juifs étaient protégés au centre Lourmel.

Mère Marie fut dénoncée  par une dame qu’elle avait recueillie. Quand la gestapo vint l’arrêter en février 1943, sœur Marie était absente mais son fils Youri8 est présent et donc arrêté ainsi que le père Klépinine et Ilya Fondaminsky un aide. Un mot fut laissé : si vous voulez  revoir votre fils venez vous livrer et il sera libéré. Elle obtempéra, s’y rendit et fut arrêtée sans que son fils ne  retrouve la liberté faussement promise, de toute évidence il en était décidé ainsi.. Ils furent  internés au fort de Romainville, Compiègne puis à DORA en 1944. Camp près de Ravensbrück  où de mai 1939 à avril 1945 furent internés près de 120 000 déportés : criminels, opposants politiques, personnes confession israélite  etc. Parmi eux  66 000 femmes dont 20 000 russes et 80 000 françaises.

       Youri son fils

Ce camp était surpeuplé et les conditions d’hygiène se dégradaient créant des maladies. En 1944 on leur distribuait 200 g de pain par jour et une louche de soupe. Les femmes étaient employées dans le textile pour faire des chaussettes pour la Wehrmacht, d’autres pour l’armement ou  fabrique de munitions.

Sœur Marie était au block 2, le block français. Se pose la question de la perte de la foi ou de son renforcement suivant la personne. On montait donc des pièces de théâtre en secret, on donnait des conférences mais toujours pendant qu’un résistant faisait le guet. Il fallait conserver son humanité et ne pas devenir qu’un numéro……matricule.

Les détenus inventaient : aiguille faite dans du câble, du fil récupéré par-ci, par-là et confectionnaient des broderies en vue du débarquement allié.  Sœur Marie faisait son ouvrage et si elle le terminait elle sortirait vivante de ce camp disait elle………..…elle ne l’a pas terminé ?

Le samedi saint de 1945 elle est emmenée, ayant peut-être permuté avec une autre détenue en échangeant de veste, à la chambre à gaz pour y rejoindre l’éternel.

Distinctions :   « Juste parmi les nations » le 14 janvier 1985.

Une rue porte son nom dans le 16 éme, inaugurée le 31 mars2016.

Une plaque sur sa maison de RIGA.

A Calais, son nom est donné à une maison d’aide aux immigrants.

Un livre de Xénia Kravocheine « comment la petite Lisa Pilanko est devenue Sainte Marie de Paris ».

Un film documentaire de Serguëi Kolossov en 1982, actrice Lyudmila Kassatwina.

Notes :

    1°) repartie en Russie, mariée, décède de maladie en1935.

2°) décède en 1926.

3°) Action Chrétienne  Etudiants Russes.

4°) l’évêque orthodoxe Antoine de Souronge la vit ainsi attablée en religieuse devant une bière, et passa son chemin ne voulant pas la rencontrer en l’instant.

5°) immeuble délabré acquis avec le soutien d’amis anglicans. Mère Eudoxie moniale russe l’aidât dans sa tache. Auparavant un foyer pour jeunes femmes isolées avait été ouvert au 9 avenue de Saxe, remplacé donc par « Lourmel », centre d’immigration russe.

6°) a péri au camp de DORA le 11 février 1945.

7°) signifie « vite » en russe. Provient des cosaques occupant Paris en 1814 (sous Tsar Alexandre 1er ) qui interpellaient ainsi le cafetier pour être servis le plus rapidement possible.

8°) né en 1920.Décès en déportation en 1945.

 

 

Sources : divers sites internet. Témoignage Geneviève De Gaulle (1966). Emission TV orthodoxe dominicale. Photos : Yad vashem, église orthodoxe Paris.

Note De l’Auteur (NDA) :   Comme beaucoup de faits historiques les témoignages, lieux et dates ne concordent pas toujours, mémoire lointaine, transmission déformée, etc..  . (Exemple Danilo est soit juge, soit instituteur soit officier selon les sources). Mais le fait est bien réel.

 

 

 

 

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