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Le député indépendantiste Moetai Brotherson a présenté son projet de proposition de loi sur l’indemnisation des victimes des essais nucléaires.

 

Moetai Brotherson ne chôme pas. Projet de proposition de loi et colloque sur le cannabis : le député est sur tous les fronts.

Par Christophe Cozette Publié le 26 Avril 21 à 9:00

Vendredi dernier, à sa permanence de député, jouxtant le bureau du Tavini, à Faa’a, Moetai Brotherson avait convié la presse avec, au menu du jour, deux dossiers, un local et un autre national.

L’un, concerne un projet de proposition de loi (PPL) sur l’indemnisation des victimes des essais nucléaires, et l’autre son projet de colloque sur le cannabis, dont La Dépêche de Tahiti s’était déjà fait l’écho (lire notre édition en ligne du 11 février, « Colloque sur le cannabis : un pas vers son usage thérapeutique ? »).

Ce PPL est le fruit d’un long travail de fond, de deux ans, du député et non un « travail opportuniste » (lire interview).

Moetai Brotherson avait déjà tenté de faire passer non pas une mais deux PPL, en 2018, sur ce sujet, mais ses projets de propositions de loi avaient été retoqués, à l’Assemblée nationale.

Le député revient donc à la charge avec une nouvelle mouture.

« J’espère améliorer la prise en charge des victimes, qu’elles soient polynésiennes ou non, comme les victimes au Sahara », explique-t-il, avec son PPL « qui vise à corriger les carences de la loi Morin, tout en proposant des pistes nouvelles ».

Le PPL a été déposée il y a deux mois, et sera examiné par la commission de la défense, début juin, et programmée en séance plénière, le 17 juin, à Paris.

De la bombe A au paka.

Tout d’abord, le député et représentant à l’assemblée de la Polynésie française souhaite introduire un volet environnemental sur les conséquences des essais nucléaires français.

« Je suis allé à Moruroa. J’ai vu les endroits où sont entreposés les déchets, ces puits d’un kilomètre, le banc Colette, où il y a toujours du plutonium. J’ai vu les failles, et tout cela n’est pas très rassurant », confie-t-il.

« Dire qu’on a payé 12 milliards de francs pour un thermomètre (le système de surveillance Telsit 2, ndlr). On parle aussi des atolls périphériques. J’ai assisté, à l’époque, à ce que l’on a appelé la dépollution de Hao. Je n’appelle pas cela de la dépollution. »

Pour se pencher sur le nettoyage complet des atolls du grand secret, le député compte mobiliser politiques et experts. Et qu’on ne lui dise pas que cela n’est pas possible d’enlever le plutonium de Moruroa.

« On envoie bien des missions sur Mars. On doit au moins pouvoir y réfléchir », estime-t-il.

Et pour compléter sa proposition de loi « visant à la prise en charge et à la réparation des conséquences des essais nucléaires français », Moetai Brotherson s’appuie sur le principe de précaution et inclut la transmission génétique dans son texte, pour les descendants d’une victime, touchés par une des 24 maladies reconnues radio-induites.

Il souhaite également calquer les pupilles de la Nation sur les ayants-droit, « victimes collatérales » des essais (lire interview).

Le député reste lucide, même si ce PPL « va en énerver plus d’un ». « L’État va tout mettre en œuvre pour ne pas la voter. Une façon de botter en touche à l’approche de la table ronde, prévue fin juin, à Paris. » En tout cas, « une demande de pardon serait préférable », estime-t-il.

Enfin, le député a détaillé le futur colloque sur le cannabis, qu’il prépare avec l’université, le ministère de la Santé et peut-être celui de l’Agriculture. Pendant trois jours, une dizaine d’intervenants « de haut niveau » débattront, à l’université, autour des lois, de l’économie et de la santé liés au pakalolo.

Le colloque était programmé en avril, puis début juin, mais les conditions sanitaires ne sont encore guère favorables, même si le distanciel va permettre de suivre les débats, avant que les résultats de ce colloque ne remontent à l’Assemblée nationale. Il devrait se tenir en août. D’ici là, on saura presque tout sur la bombe.

3 questions à Moetai Brotherson, député et représentant : « C’est un travail de fond ».

Que ressort-il de votre proposition de projet de loi ?

« Il y a plusieurs éléments. Il y a d’abord l’introduction de la dimension environnementale, qui n’existe absolument pas, aujourd’hui, dans la loi Morin.

Au travers de cette commission, dont je demande la mise en place, une commission trans-parlementaire, avec des représentants du Sénat et de l’Assemblée nationale de tous les groupes, des personnalités qualifiées, pour au moins lancer les études de dépollution des sites nucléaires. L’idée est d’assumer ce que l’on a fait, de ne pas attendre que Moruroa s’effondre pour se dire après : ‘On aurait dû enlever ces déchets’.

On introduit, dans ce PPL, des concepts un peu nouveaux. Le premier est la prise en charge mais pas simplement que l’indemnisation du préjudice. Pour illustrer mon propos, si, aujourd’hui, vous êtes victime des essais nucléaires et que vous êtes indemnisé, on vous donne une fois une somme d’argent, et après vous continuez à vivre avec votre ou vos cancers, et il faut vous soigner. Cela coûte des sous et cela n’est pas pris en charge, et cela ne me semble pas normal que ces pathologies et leurs effets ne soient pas pris en charge.

On a introduit cette notion supplémentaire de prise en charge, au-delà de cette indemnisation ‘one shot’. On a introduit aussi ensuite une notion de victime collatérale, c’est-à-dire ceux qu’on laisse derrière nous, les victimes de ceux qui décèdent. On laisse une femme, des enfants, et ils doivent vivre, s’éduquer. Et comme, quelque part, c’est l’État qui a causé le décès de cette personne, je pense que c’est à l’État de prendre en charge, pas tout mais une partie au moins de l’éducation des enfants, selon les règles qui régissent les pupilles de la Nation, qu’on pourrait peut-être transposer. »

Votre proposition de loi passera le 17 juin à l’Assemblée, à quelques jours de la table ronde du président Macron, sur les essais nucléaires. Ne pensez-vous pas qu’elle soit renvoyée aux calendes grecques, après cette annonce présidentielle ?

« C’est très possible. Cela fait deux ans que je travaille sur ce PPL, ce n’est pas un travail opportuniste ; c’est un travail de fond. À l’inverse de cette réaction un peu médiatique de l’État, suite à la publication de l’étude et du livre Toxique, qui réagit et propose une table ronde de haut niveau. C’est bien mais c’est opportuniste. Si l’étude n’avait pas été publiée, on n’aurait pas eu cette table ronde, alors que ma PPL suivait son chemin. Aujourd’hui, elle arrive à son terme. »

Vous attendez un soutien local, des représentants, du Cesec ?

« Je l’espère. J’ai transmis ce PPL au Cesec et à l’ensemble des représentants de l’assemblée de la Polynésie. J’espère avoir un maximum de soutien, localement, aussi bien de la part du Cesec que de la part de mes collègues de l’APF. »

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Et pour les pupilles de la nation et les orphelins de guerre, la proposition de loi n° 18-618 présentée par la Sénateur

M. Cédric PERRIN , n’est à ce jour toujours pas examinée !

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